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Contrat de mariage de
Pierre Marie Gérard ARNOULD et Françoise POULIN
Mon ancêtre Pierre
Marie Gérard ARNOULD est parti s'installer à Paris vers 1861.
Le manque de travail localement l'a certainement poussé à laisser
ainsi sa famille qu'il n'a cependant pas abandonnée puisqu'il est régulièrement
tenu informé des événements (mariages de ses enfants notamment)
ainsi qu'en témoignent les registres d'état-civil.
Mécanicien dans le 18ème arrondissement, veuf depuis un an, âgé
de 61 ans, il épouse en 1867 une de ses voisines, Françoise POULIN,
blanchisseuse âgée de 53 ans.
Ce contrat, particulièrement étonnant, donne à la future
épouse des droits qui sont refusés à son époux. En
effet, si les dettes qu'elle pourrait contracter dans le mariage sont garantis
et, le cas échéant, indemnisés par son époux ou ses
héritiers, il n'est rien prévu de tel pour les dettes que l'époux
pourrait contracter. Le bail sera au nom propre et unique de l'épouse et
tous les biens meubles de l'appartement seront réputés lui appartenir
en propre sauf preuve écrite du contraire.
Il est vrai que la future épouse détient quelques objets de valeur
et apporte au mariage beaucoup plus que son futur époux qui n'est guère
propriétaire que des vêtements qu'il a sur le dos...
Transcription
Par devant Me Baron et son
collègues, notaires à Paris, soussignés,
Ont comparu,
Mr Pierre-Marie-Gérard Arnould,
mécanicien, demeurant à Paris, rue du Ruisseau, numéro 81
(dix-huitième arrondissement)
Fils de Pierre Arnould, rentier, et de dame Jeanne Robert, sa femme, tous deux
décédés, le mari dans le courant de l'année mil huit
cent trente et un,et la femme en mil huit cent cinquante trois,
Veuf en premières noces, avec deux enfants, de Madame Marie Victoire Tilloi,
(*)
Stipulant pour lui et en son nom personnel, d'une part
Et Madame Françoise Poulin,
blanchisseuse de fin, demeurant à Paris-Montmartre, rue du Ruisseau, numéro
19, veuve en premières noces, sans enfants, de Jean-Baptiste Bazin, décédé
dans le courant de l'année mil huit cent soixante quatre,
Fille majeure de Monsieur Gabriel Poulin, ouvrier flotteur de bois, décédé
dans le courant de l'année mil huit cent cinquante sept, et de Madame Marie-Jeanne
Barbier, sa femme, sans profession, demeurant avec sa fille, rue du Ruisseau,
numéro 19,
Stipulant pour elle et en son nom personnel, d'autre part
Lesquels, dans la vue du mariage projeté entre eux, et dont la célébration
doit avoir lieu incessamment à la mairie du dix-huitième arrondissement
de Paris, en ont arrêté les clauses et conditions civiles de la manière
suivante :
Article premier
Régime
Il y aura séparation des biens entre
les futurs époux, conformément aux articles 1536 et suivants du
Code Napoléon.
En conséquence, chacun d'eux conserve la propriété des biens
meubles et immeubles qui lui appartiennent, et de ceux qui pourront lui advenir
par succession, donation, legs, ou autrement. La future aura l'entière
administration de ses biens, ce qui emporte pour elle le droit de toucher, sur
ses simples quittances, sans le concours de son mari, tous les capitaux, donner
quittances, désistements et mains levées, avec ou sans paiement,
transférer tous capitaux mobiliers et de l'aliéner.
Elle aura la jouissance libre de ses revenus, sauf ce qui sera dit en l'article
sixième pour la contribution aux charges du mariage.
Article deuxième
Apport du futur époux
Les biens du futur époux se composent
:
1/ de ses habits, et linge, à usage personnel, sans plus ample désignation,
attendu qu'il sera toujours facile de les reconnaître.
2/ Et de divers meubles et effets mobiliers, compris et détaillés
en un état estimatif, dressé entre les parties, et par lequel ils
ont été estimés à la somme de cinquante deux francs.
Lequel état écrit sur une feuille de papier au timbre de cinquante
centimes, est demeuré et annexé, après avoir été
certifié véritable par les parties, et que dessus mention de cette
annexe a été faite par les notaires soussignés.
Le futur époux déclare que son apport lui provenant de ses gains
et économies, est libre de toute dette.
Article troisième
Apport de la future épouse
Les biens de la future épouse et
qu'elle déclare apporter en mariage consistent :
Dans les meubles, effets mobiliers, habits, linge et bijoux à son usage
personnel, compris et détaillé en un état estimatif, dressé
entre les parties, et d'après lequel tout a été estimé
à la somme de mille vingt francs.
Lequel état écrit sur une feuille de papier au timbre de cinquante
centimes est demeuré et annexé, après avoir été
certifié véritable par les parties, et après que dessus mention
de cette annexe a été faite par les notaires soussignés.
La future épouse déclare que son apport est également libre
de toute dette.
Article quatrième
Présomption de propriété sur le bail
Les lieux qu'habiteront les futurs époux
seront toujours loués à la future épouse seule, à
moins de preuve écrite du contraire, et les quittance de loyer et de contribution
seront données en son nom.
Article cinquième
Présomption de propriété sur le mobilier
Tous les meubles, linge, argenterie et effets
mobiliers qui garniront les lieux occupés par les futurs époux,
ou qui s'y trouveront, appartiendront de pleins droits à la future épouse,
et le futur époux ne pourra réclamer que les objets pour lesquels
il justifiera de sa propriété par quittances valables de marchand
ou fournisseur patentés.
Article sixième
Contribution aux charges du mariage
Les futurs époux contribueront aux
charges du mariage, sans être assujetti à aucun compte entre eux,
ni à retirer quittance l'un de l'autre, chacun étant réputé
avoir fourni sa part jour par jour.
Article septième
La future épouse ou ses héritiers
sont garantis et indemnisés par le futur époux ou ses représentants
de toutes les dettes et des engagements qu'elle aurait pu contracter avec lui
ou pour lui pendant le mariage.
Article huitième
Donation en usufruit
En considération du mariage, les
futurs époux se font donation entre vifs, au profit du survivant, ce qui
est accepté par chacun d'eux,
de l'usufruit de l'universalité des biens meubles et immeubles qui composeront
la succession du premier mourant, sans aucune exception.
Cette donation ne subira aucune réduction en cas d'existence d'ascendants,
mais s'il existe des descendants, elle subira la réduction suivante :
Si le premier mourant laisse seulement des enfants du mariage projeté,
ou des descendants d'eux, elle sera réduite à la moitié aussi
en usufruit des mêmes biens meubles et immeubles. Mais si c'est le futur
époux qui précède, et qu'il existe des enfants de son précédent
mariage, ou des descendants d'eux, elle sera réduite d'une part d'enfant
légitime le moins prenant en pleine propriété, sans que cette
part puisse excéder un quart de bien.
Le survivant, dans tous les cas, jouira de l'usufruit donné pendant sa
vie, à compter du jour du décès du premier mourant, sans
être tenu de fournir caution, ni de faire emploi des valeurs mobilières,
mais à la charge de faire inventaire.
Telles sont les conventions des parties.
Dont Acte
Fait et passé à paris, en l'étude de Me Baron, l'un des notaires
soussignés.
L'an mil huit cent soixante sept
Le quatre décembre
En présence de Monsieur Antoine Maton, marchand de vin fournisseur, demeurant
à Paris, rue Blanche, numéro 100, et Monsieur Martial Eugène
Viard, camionneur,demeurant à Paris, rue de Flandres, numéro 51,
Témoins qui ont attesté l'individualité et la capacité
civil des futurs époux.
Avant de clore, Me Baron, l'un des notaires soussignés, a donné
lecture aux parties du dernier alinéa de chacun des articles 1393 et 1394
du Code Napoléon, et leur a délivré le certificat permis
par ce dernier article, pour être remis à l'officier de l'état-civil
avant la célébration du mariage.
Et après lecture, les parties ont signé avec les témoins
et les notaires.
F. Poulin Arnould
E. Viard Maton
Girardin Baron
ANNEXE 1
Etat du mobilier apporté
au mariage par Monsieur Arnould
1/ Un lit en fer estimé trois francs
2/ Un lit de plumes estimés vingt francs
3/ Une paillasse évaluée deux francs
4/ Deux paires de draps estimés six francs
5/ Un oreiller estimé trois francs
6/ Un carré estimé trois francs
7/ Une couverture de laine, estimée cinq francs
8/ Deux chaises couvertes en Damas, estimées trois francs
9/ Une table en chêne à trois pieds, estimée quatre francs
10/ Une malle, estimée trois francs
Total : cinquante deux francs
ANNEXE 2
Etat du mobilier apporté au mariage par Madame Bazin
1/ Une armoire de noyer estimée soixante
francs
2/ Une commode en noyer à dessus de marbre, estimée soixante francs
3/ Une grande table ronde en noyer, estimée douze francs
4/ Une table de nuit en noyer à dessus de marbre, estimée dix francs
5/ Un bois de lit en noyer estimé trente francs
6/ Une grande table et ses deux appuis pour repasseuse estimée douze francs
7/ Deux fauteuils en acajou et velours estimés vingt francs
8/ Une paire de rideau de lit en Damas de laine estimée trente francs
9/ Six chaises de noyer, en paille estimées dix huit francs
10/ Une glace estimée quinze francs
11/ Quatre tableaux, deux portraits de famille estimés vingt francs
12/ Une pendule en bronze dorré, estimée cent soixante francs
13/ Six couverts filetés estimés trente six francs
14/ Six petites cuillers à café estimées dix huit francs
15/ Une cuillère à potage estimée douze francs
16/ Une fontaine, estimée huit francs
17/ Une mécanique de six fers à repasseuse estimée dix huit
francs
18/ Une batterie de cuisine estimée vingt francs
19/ Divers plats et assiettes estimés quinze francs
20/ Vêtements, linge et effets à usage de femmes tels que robes,
châles, jupons, chemises, pantalons, et autres estimés deux cent
francs
21/ Trois matelas estimés cent cinquante francs
22/ Un lit de plumes estimé cinquante francs
23/ Un oreiller estimé douze francs
24/ Un traversin estimé trois francs
25/ Trois couvertures estimées vingt francs
26/ Un édredon estimé douze francs
Total : mil vingt et un francs
(*)
Notes
En réalité, Pierre Marie Gérard ARNOULD et Marie Victoire
THILLOIS ont eu 10 enfants.
En décembre 1867, 4 de ces enfants sont déjà mariés,
une autre est sur le point de se marier (15 jours plus tard). Deux autres, mineurs
en 1867, se marieront en 1871 et 1884. Ce sont ces deux enfants, encore à
charge, auxquels il est fait allusion.
Trois autres enfants sont décédés en bas âge avant
1867. |
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