Charbonnier
Coupés en hiver et jusqu'en mai,
les bois sont mis en bûches d'un mètre que l'on fend en trois ou
quatre morceaux si elles sont trop grosses. Mises en stères, elles doivent
sécher deux à trois mois.
Pour obtenir la plus grande quantité
possible de charbon, le bois ne doit pas être ni trop vert ni trop sec.
On divise ordinairement les charbons en
trois espèces liées au bois qui les produisent :
- charbon de bois dur
- charbon de bois tendre
- charbon de bois résineux
Plus le bois est dense, plus grand sera
le rendement.
On ne s'improvise pas charbonnier.
L'art du charbonnier exige une variété de connaissances, des données,
des calculs et peut-être aussi un véritable instinct que le temps
a aiguisé : un charbonnier "vit" beaucoup plus sa meule qu'il ne la calcule.
Il la contrôle très étroitemet
du début à la fin. Chaque meule est une aventure différente.
Tel charbonnier pourra difficielement aborder une meule en cours de fabrication
s'il ne la édifiée lui-même.
Etre charbonnier c'est vivre comme en symbiose
pendant cinq jours et cinq nuits avec sa "fouée".
A l'approche de la seconde nuit, il faut
redoubler d'attention. A cette phase de l'opération, presque toute la masse
est incandescente. Le charbonnier est alors dans l'attente de ce qu'il appelle
le "grand feu". Celui-ci se manifestera par la rougeur qu'acquiert toute la cheminée
du fourneau. Par un coup de vent plus sournois, la meule peut s'embraser comme
une torche : ce sont des dizaines de stères et plusieurs journées
de travail perdues.
A partir de leur coupe, les charbonniers
élisent un terrain qui doit être uni et assez solide de nature. Nettoyée
et bien aplanie, cette aire, qu'ils appellent fourneau ou feu, permettra un chauffage
très régulier.
Le choix des essences de bois est loin d'être indifférent à
la nature et à l'emploi du charbon obtenu. Celui qui sera utilisé
pour la fusion des minerais doît être du charbon de bois dur, au contraire,
pour les usages domestiques et culinaires, un charbon de bois tendre convient
de préférence.
C'est en ne carbonisant, si possible, dans la même fouée que des
bois de même essence et à peu près de la même grosseur
qu'une meule donnera le minimum de déchets.
L'édification de la meule se fait
autour d'une cheminée centrale de trente centimètres de côté
et de section triangulaire ou carrée. Il suffit de trois perches fichées
dans le sol ou de rondins de bois juxtaposés.
Tout autour de cette cheminée, les charbonniers vont former un plancher
de bûches assez grosses et droites tenues rapprochées, sur lequel
ils bâtiront la meule en forme de cône tronqué, sur deux ou
trois étages de bûches.
Les vides et la surface, à l'extérieur, seront remplis et recouverts
de branchages puis de mottes de gazon et de feuilles ou de mousse. La motte est
d'abord poreuse et favorise le tirage, puis elle sèche et se transforme
en cendres, elle devient étanche et étouffe la carbonisation.
A la motte, le charbonnier ajoute de la terre très fine ou le résidu
d'une autre charbonnière. Cette mince couche permet de combiner facilement
tirage et étanchéité en complétant l'action des mottes.
Si le vent est violent, un barrage de fagots, souvent bruyères et branchages,
le haillon, protègera le feu de son action.
La meule est terminée, une échelle
de bois a été appliquée à son sommet.
Dans l'orifice de la cheminée, le charbonnier verse quelques pelletées
de braises tirées de la meule voisine. Les fagots placés à
l'intérieur de la cheminée s'enflamment doucement. Bientôt,
une fumée s'élève, légère au début puis
beaucoup plus épaisse.
Quand le charbonnier juge que le haut est cuit, il ferme l'orifice de la cheminée
et, au moyen d'une perche, entreprend de pratiquer plus bas des ouvertures tous
les cinquantes centimètres pour favoriser le tirage. Lorsque, de l'une
d'elles, la fumée s'échappe claire, le charbonnier la ferme.
Le charbonnier dort au pied de sa meule
: à la moindre flamme suspecte, il lui faut colmater un évent avec
du bois, du gazon ou surtout de la terre fine. Si le fourneau gagne d'un côté
au détriment de l'autre, il lui faut résorber les bosses et remplir
les creux.
Juché sur la meule, le charbonnier semble l'interroger tandis qu'il piétine
le collet ou pique les aspérités avec son long crochet. Quand la
fumée qui sort par les évents passe du gris jaune au bleu clair
et transparent, le charbonnier se hête de fermer toutes les issues sans
exception.
Le tout ainsi bien poli, on n'aperçoit plus qu'une mince fumée.
Un ou deux jours plus tard, le charbon
est assez refroidi pour être sorti.
A l'aide d'une pelle, les hommes déchaussent le pied de la meule et enlèvent
de la terre avec les fumerons imparfaitement carbonisés qui donneront un
excellent bois de chauffage. Utilisant un long crochet à dents qu'ils enfoncent
à grands coups dans les flancs de la meule, ils tirent à droite
et à gauche le charbon que chaque coup de crosse sépare de la masse.
Le founeau dépiété s'affaisse et s'éteint lentement.
A mesure qu'ils retirent les charbons, les charbonniers recouvrent la meule de
terre, l'aspergent d'au et dispersent les moindres escarbilles rougeoyantes. Quand
toute combustion est éteinte, la production est rassemblée au rateau.
La volume de charbon obtenu varie ordinairement
de 27 à 35% du volume de bois. Il renferme 75 à 90% de carbone,
très peu d'oxygène et de cendres. Il pèse environ cinq fois
moins lourd que le bois dont il provient. Une stère de bois peut fournir
70 kgs de charbon de bois, soit l'équivalant calorique de cent cinquante
litres de fuel.
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