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Chirurgien
A l'origine, les chirurgiens faisaient partie
de la corporation des barbiers et étaient tenus à l'écart
par les médecins. Celà était dû au fait qu'au moyen-âge,
seuls les clercs étaient hommes d'études, et que l'Eglise interdisait
de verser le sang, ils ne pouvaient donc être chirurgien.
Constitués en communautés
de métier, ils exerçaient un métier manuel pou lequel seuls
étaient nécessaires l'apprentissage et le chef-d'oeuvre, et non
des études universitaires, comme en témoigne un acte du 3 septembre
1687, par lequel Ambroise BEVIERE alors maître-chirurgien à Montcornet
(Aisne) reçoit un jeune garçon d'Etréaupont (Aisne) comme
apprenti, aux conditions suivantes :
"s'oblige à enseigner au
jeune homme l'art de la chirurgie pendant deux ans et en même temps le nourrir,
le coucher, le chauffer, le tout moyennant une somme annuelle de cent livres,
payable par quart, de trois mois en trois mois."
Quand l'aspirant au grade de chirurgien
croyait n'avoir plus rien à apprendre, il subissait un examen devant une
commission de maîtres-chirurgiens, et sur le rapport de cette commission,
s'il était favorable, les officiers de la justice de Vervins (Aisne) délivraient
à l'aspirant des lettres de chirurgien.
C'est par un arrêt du Parlement
du 7 février 1660, au terme d'un long procès contre les médecins,
que les chirugiens se virent confirmer dans l'interdiction de se constituer en
confrérie avec collège et qui déclara valable l'union des
chirurgiens à la corporation des barbiers. Les chirurgiens se virent également
interdit de prendre les titres de bacheliers, licenciés, docteurs. Seuls
les termes d'aspirants et de maîtres leur étaient autorisés.
Bien souvent confondus, les barbiers supplantaient
les chirurgiens, pour être réputés moins chers et meilleurs
opérateurs...
Un édit d'octobre 1592 avait pourtant reconnu que les chirurgiens ressortissaient
du domaine médical : "l'état de maître barbier chirurgien
(...) s'étend non seulement sur les faits des barbes et cheveux, mais à
la chirurgie en théorique et pratique, anatomie du corps humain, et de
panser apostumes [abcès], plaies, ulcères, fractures, dislocations,
connaissance des simples [plantes médicinales], composition des médicaments
et autres choses concernant la santé du corps humain".
En 1669, l'indépendance des chirurgiens
vis-à-vis de la faculté de médecine était déclarée.
Toutefois, ils étaient toujours tenus de porter honneur et respect aux
médecins.
C'est un édit royal de 1691 qui sépara
les chirurgiens de la corporation des barbiers-perruquiers. Les chirurgiens n'eurent
plus le droit de tenir boutique ni de pratiquer la barberie. Cette reconnaissance
des spécificités de la chirurgie est, pour beaucoup, due aux succès
remportés par les premiers chirurgiens successifs de Louis XIV, FELIX et
MARESCHAL.
En 1730, les chirurgiens se voient dotés,
à l'échelle du royaume, de statuts et de réglements inspirés
par ceux que s'étaient donnés les chirurgiens de Versailles en 1719.
En 1736, un enseignement théorique est adjoint aux études pratiques,
mais il n'est dispensé que dans les écoles de chirurgie, d'un niveau
très inégal, présentes dans une quinzaine de villes seulement.
En 1748, une Académie royale de chirurgie fut fondée. Celle-ci permit
l'affranchissement des chirurgiens de l'oppression des médecins.
En 1756, un arrêt du Conseil du roi
autorisa le titre et les privilèges de notables bourgeois aux chirurgiens.
Ils obtinrent le droit d'être pourvus d'offices municipaux, l'exemption
de collecte, guet et garde, corvées et autres charges. Ils pouvaient en
outre faire exempter deux de leurs élèves du tirage de la milice.
Cet arrêt maintenait cependant le distingo entre les médecins et
les chirurgiens, les premiers étant assimilés aux avocats et bourgeois
vivement noblement, les seconds aux négociants en gros, marchands ayant
boutiques ouvertes et maîtres exerçant arts libéraux.
Les lettres patentes délivrées la même année imposaient
la maîtrise ès-arts pour les futurs maîtres en chirurgie des
principales villes du royaume.
Cependant, en 1780, très peu de chirurgiens
encore sont titulaires de cette maîtrise. Une petite minorité, installée
dans les grandes villes, est constituée d'hommes de savoir et de culture,
forts coûteux à consulter. Leurs études ont duré quatre
années, ont passé le "grand chef-d'oeuvre" et font partie
d'une communauté reconnue et étoffée. Certains se spécialisent
dans l'art de l'accouchement. Mais la grande majorité des chirurgiens,
qui exercent dans les villes de moins d'importance et les campagnes, n'a qu'un
faible bagage. Il leur est souvent nécessaire d'exercer une seconde fonction
pour vivre (barbier, guérisseur, vente de remèdes, voire travail
de la terre).
A la fin du 18ème siècle,
les chirurgiens sont cinq fois plus nombreux que les médecins. Ils exercent
pour trois quarts d'entre eux à la campagne. Cependant, la population étant
rurale à 85 %, le taux de prise en charge est de 3,3 pour 10 000 dans les
campagnes contre 6,7 pour 10 000 en ville. A cette distorsion, s'ajoutent les
fortes disparités régionales, tant rurales (1,2 pour 10 000 en Bretagne
contre 7,1 pour 10 000 en Picardie), qu'urbaines (4,7 pour 10 000 en Bretagne
conte 10,9 pour 10 000 en Bourgogne).
Il faudra attendre la Révolution
pour que la séparation entre médecins et chirurgiens soit abolie.
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