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Sage-femme
Dans les villes d'importance, des précautions
sérieuses étaient prises contre l'entrée dans cette profession
de femmes incapables ou maladroites : à Paris, par exemple, un stage était
obligatoire chez une maîtresse sage-femme ou à l'Hôtel-Dieu,
et celui-ci était sanctionné par un examen devant le premier chirurgien
du roi ou son lieutenant, ou devant les quatre prévôts du collège
chirurgie, ou devant les quatre sages-femmes jurées du Châtelet.
On était très loin de tout
cela partout ailleurs.
Les seuls mérites dont dipose bien souvent la sage-femme sont d'avoir été
agrée par le curé, et d'avoir la confiance des femmes. Démunie
dès lors que l'enfant se présente mal, la sage-femme n'a souvent
pas d'autre choix que d'attendre la mort du nourisson pour l'extraire du corps
de sa mère. Les registres de baptême témoignent d'ailleurs
de ces naissances catastrophiques et pour l'enfant et pour la mère, qui
se soldent la plupart du temps par le décès des deux.
Couramment, la future sage-femme prêtait
serment, avant ou à l'issue de la messe, devant les habitants du village
rassemblés, par devant le prêtre-desservant, et s'engageait :
- à s'acquitter avec fidélité
et diligence de l'accouchement des femmes,
- à ne rien entreprendre de périlleux
sans y appeler médecin, chirurgien ou autre femme expérimentée
en cette fonction,
- à ne pas révéler le
secret des familles,
- à n'user d'aucun moyen illicite
par vengeance ou mauvaise affection,
- à n'accoucher aucune fille privée
ou étrangère sans la dénoncer au bailli et au procureur fiscal,
et lorsqu'elle aurait connaissance de leur grossesse.
D'une manière générale,
les sage-femmes avaient dépasser l'âge d'enfanter, mais étaient
elles-mêmes mère.
Parallèlement à l'arrivée
des chirurgiens dans l'art de l'accouchement, la France, à l'instar d'autres
Etats, commence à se préoccuper de la formation des sages-femmes.
A partir de 1759, Mme DU COUDRAY, sage-femme brevetée et pensionnée
par le roi, parcourt les campagnes et sillonne la France pour former des sages-femmes
dans les chefs-lieux des généralités.
Après son passage, le relais est pris par 200 chirurgiens-démonstrateurs
locaux.
Entre 1760 et 1790, ce sont environs 10 000 personnes qui auront ainsi été
formées aux techniques de l'accouchement, grâce à une méthode
que Mme DU COUDRAY a mise au point : un livret simple fonctionnant sur le principe
de questions et réponses et une mannequin en osier représentant
le bassin d'une femme avec un utérus en cuir dans lequel on place un foetus
fait de chiffons dans les différentes positions possibles.
Cependant, là comme dans d'autres
domaines, les contrastes régionaux sont importants. Une enquête de
1786, commanditée par le Contrôle général a révélé
que si l'Alsace et le Hainaut sont des régions privilégiées,
dans certains villages du royaume, aucune femme n'a été envoyée
en formation. Ailleurs, ce sont les conflits entre les méthodes traditionnelles
de l'ancienne sage-femme et les nouvelles techniques "de la ville" qui
sont sources de conflits et de paralysie.
Il faudra donc attendre encore longtemps
avant que la médicalisation des naissances ne soit acceptée. La
coexistence des anciennes et nouvelles méthodes s'est en fait établie
dans le partage des tâches : à l'accoucheuse et ses mains, les naissances
"normales", aux accoucheurs et leurs instruments, les naissances "difficiles".
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