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Histoire d'une vie :
Marie Joséphine Mérieux
"Maman Marie", comme l'appelaient
ses petits-enfants, avait, malgré les vicissitudes de la vie, conservé
un caractère enjoué, avec même une certaine pointe d'ironie,
comme si elle avait voulu se moquer des difficultés que la vie lui avait
apporté.
A
11 ans et demi, elle avait perdu sa mère, enlevée à l'affection
des siens par une fièvre purpérale lors d'une cinquième naissance.
L'époux de celle-ci, essayant en vain de peigner ses cheveux emmêlés
par la transpiration, elle lui conseilla de les couper, lui affirmant : "quand
je serai guérie, ils repousseront encore plus épais". Il le fit,
et pendant longtemps, se crut responsable de la mort de son épouse, survenue
quelques jours après, pensant qu'elle avait pris froid sans sa chevelure.
Dans le cercueil, quand on l'inhumat, il déposa en pleurant les deux lourdes
tresses blondes sacrifiées.
Marie-Joséphine se
retrouvat maîtresse de maison, avec en charge deux jeunes frères
de 6 et 9 ans, sa soeur Béatrix étant décédée
à 9 mois en 1859.
Son père ayant repris une compagne, avec laquelle Marie ne s'entendait
pas, la trouvant trop sévère avec ses petits frères, celle-ci
alla, avec l'accord de son père, se loger dans une mansarde voisine. Elle
allat, malgré son jeune âge, travailler à l'usine de tissage
: on embauchait à l'époque les enfants dès l'âge de
10 ans. A 12 ans, se débrouillant seule, elle ne revenait au domicile paternel
que le dimanche, pour ne pas abandonner ses frères.
Elle épousa en 1873,
Ernest Laloy, son cousin issu de
germain.
Après le décès
de son mari en 1922, elle vécut seule un moment.
Mais Firmin, l'aîné de ses gendres, décéda en 1924
d'une silicose contractée lors de sa captivité pendant laquelle
il avait travaillé dans les mines de sel en Allemagne. Elle vint vivre
avec sa fille Berthe pour tenir son ménage, s'occuper de ses deux fils
et faire le jardinage, afin que celle-ci puisse continuer à travailler
à l'usine de tissage. Sa pension d'ascendante joint au gain de sa fille
et de ses 2 petits-fils, Albert-Claude, 17 ans et André, 13 ans, ouvriers
tisseurs tous les deux, leur permettaient de vivoter vaille que vaille.
Elle avait pour seule bijou,
une petite croix en or qui lui venait de sa mère et qu'elle a donné
à sa seule petite fille, ma grand-mère, en lui demandant de la donner
un jour à son tour, à ses petites filles si elle en avait.
Lorsque l'envie de voir
sa fille cadette et ses autres petits-enfants la pressait, elle faisait à
pied un rapide aller-retour entre Floing et Sedan, refusant l'argent que sa fille
(mon arrière grand mère) lui donnait pour prendre l'autobus qui
faisait la navette entre les deux villes distantes de 3 km 1/2.
C'est en faisant ce déplacement, à 80 ans, qu'un après-midi
d'été, elle tomba de congestion. Ramenée inconsciente chez
Berthe, elle resta à demi paralysée. Pour pouvoir s'occuper d'elle,
Berthe dut cesser son travail à l'usine, et sa soeur et son beau-frère
compensèrent en partie cette perte de revenus en laissant à leur
mère et belle-mère une pension représentant en quelque sorte
leur participation à ce nouveau coup du sort.
Mais Marie avait rapidement retrouvé son activité cérébrale,
et lors de la dernière fête locale de Floing où elle voulut
se joindre à ses enfants, elle chanta 2 complaintes de son adolescence
reprochant "aux jeunes" d'être moins gais que "de son temps" puisqu'ils
ne chantaient pas comme elle le faisait.
Elle avait aussi demandé à ce que sa petite-fille (ma grand-mère)
ne porte pas le deuil quand elle mourrait. Et sauf pour la cérémonie,
sa fille lui obéit, et ma grand-mère ne fut pas vêtue de noir
comme c'était encore la coutume à l'époque.
Malgré les années
écoulées, ma grand-mère, lorsqu'elle pensait à sa
propre grand-mère, "l'évoquait avec une affection attendrie".
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