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Un village au Moyen Âge

Merci de respecter ce travail et la mémoire de ma mère, Colette Chopplet-Houdinet, qui en est l'auteur. Ne vendez pas ces informations, citez vos sources si vous utilisez ces documents. Un petit mot pour me faire connaître l'usage ou l'utilisation que vous pourriez en avoir serait aussi le bienvenu.

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Les impôts et taxes

On croit volontiers qu'au Moyen-Age, les seigneurs se vautraient dans le luxe et oppressaient le paysan d'impôts et de misères.
Le dénombrement de 1459 dresse une liste des droits du seigneur de Lonny sur les terres et les habitants.

1°/ les rentes de bourgeoisie qui correspondent à notre taxe d'habitation : c'est le droit s'habiter le village. Elles sont dues "aux jours de Noël et de Saint-Jean, dont chacun bourgeois soit à chacun desdits jours 6 deniers parisis."
Ce n'est pas cher, apparemment, puisque c'est déjà ce que payaient les bourgeois de Beaumont (1), lorsque leur fut octroyée leur charte de franchise en 1182 (soit déjà presque 300 ans...). C'est que l'impôt a été fixé définitivement, à perpétuité, et sa valeur a diminué par le fait même de la dépréciation de l'argent.
Chaque bourgeois doit, en effet, par an, la valeur d'un demi-setier d'avoine, ou encore d'une demie journée de travail d'un manouvrier ou encore le prix de deux poules. En équivalence actuelle, cela ferait donc environ 100 à 150 francs annuels.

2°/ le droit d'étalage : 2 deniers et 2 poules, soit environ 14 deniers au total. L'équivalent d'un peu plus d'une journée de travail d'un manouvrier pour une patente commerciale sur l'année.

3°/ "sur certains héritages" le seigneur perçoit de "menus cens" : 18 deniers par an, soit le prix de trois poules. Les impôts sur les successions actuelles sont bien plus lourds...

4°/ le cens, qui correspond à notre impôt foncier. Si on considère que Lonny est régi par la loi de Vervins, le cens est de un denier par fauchée (34,40 ares). Ce qui ferait, en équivalence actuelle environ 15 francs par hectare.

5°/ les menues échéances de mairie : bans, clains (frais de plaintes judiciaires), tonneulx (impôt sur les ventes de certaines denrées dont sont exemptées les denrées usuelles). Il semble que cet impôt du tonneul représente généralement 1/12ème du prix de vente soit 8%. La TVA moderne est bien plus souvent de l'ordre de 20,6%.
Le seigneur de Lonny touche dans ce domaine 480 deniers d'échéances de mairie". Si cette somme représentait exclusivement des ventes, elle signifierait qu'à Lonny, on vend, par an, pour 5760 deniers (ou 480 sols) de denrées non usuelles.
Ce qui peut représenter 12 vaches (une vache vaut 480 deniers sur le marché de Mézières), ou encore 10 chariots à 4 roues (50 sols l'unité), ou 16 coffres à ferrure ouvragée (24 sols), ou encore 32 sièges à haut dossiers (6 sols l'un), ou bien 10 grils (4 sols l'unité), 20 chenets (44 sols l'un) ou encore 12 couvertures de drap perse (40 sols chaque). Finalement, ceci ne représente pas une valeur importante en matière de commerce. Il ne devait pas y avoir plus d'un ou deux artisans au village.

6°/ les pâturages dans les bois : 2 deniers par bêtes (un équivalent actuel d'environ 15 francs).

7°/ les "aisements es bois", c'est-à-dire les redevances sur les paysans autorisés à prendre dans le bois du seigneur, le bois de chauffage ou de construction.

8°/ les taxes de pêche et de chasse. A Lonny, ces taxes sur la pêche, la chasse et le bois ne sont pas évaluées. A Harcy, elles rapportent annuellement au seigneur 2980 deniers pour une quinzaine de familles, soit 198 deniers par famille, l'équivalent de 8 jours de travail d'un manouvrier.

9°/ le pacage sur les Taillis : 3 ou 4 sols par an et par bête, soit l'équivalent de 1 jour et demi à 2 jours de travail d'un manouvrier.

10°/ les terrages, équivalent de notre moderne impôt sur le revenu. Ce sont des redevances en nature sur les terres au prorata de la récolte (1/16ème en général ; 1/13ème pour les cultures dans les bois et les essarts). Ainsi, à Lonny, la terre à La Croix, la Merlière, doivent une redevance quand elles sont cultivées, mais il s'agit d'une redevance fixe. C'est souvent le cas pour éviter d'avoir à attendre le passage du "terrigeur", chargé d'évaluer les récoltes.

11°/ les banalités : le moulin, les piles à oille, le four sont à utiliser obligatoirement par les villageois, et moyennant redevance. A l'origine, la chose était logique : seul le seigneur pouvait avancer les capitaux pour leur construction. Construits et mis à disposition des villageois par le seigneur, celui-ci touche une redevance sur leur usage et en assure l'entretien. L'obligation de se servir exclusivement de ces matériels est par contre une réelle contrainte...
L'usage du moulin vaut 26 deniers annuels par famille, soit environ 1 journée de travail.

12°/ les corvées : elles semblent inexistantes à Lonny. Il n'en ait fait mention nulle part, mais elles avaient un peu partout disparues et, quand elles existaient encore, elles étaient minimes et rétribuées, comme on le voit aux Mazures : "(...) sont appelés les prés des Mazures, pour ce que les habitants des Mazures les doivent faucher, faner, et mettre en bureaulx, et chacun seigneur doit charrier et mener sa part des foins à ses dépends et doivent aux faucheurs livrer pain blanc, aulx et fromages" ; ou bien encore : "les habitants du Ham-les-Moines qui ont ou tiennent chevaux, me doivent chacun an, la veille de Noël soigner et livrer un cheval pour aller au bois et amener bûches à mon châtel de Montcornet, et dit-on la socque de Noël".

A ces impôts mentionnés dans le dénombrement de 1459, il convient, pour avoir une idée du niveau de vie des habitants, d'ajouter quelques autres :

1°/ les aides seigneuriales. Lonny est dans les villes du Comté du Porcien "dont les aides sont baillées par les Elus de Reims" (2), "lesquelles sont baillées pour un an commençant au mois d'octobre l'an 1400 aux personnes et pour les sommes ci-après écrites, si comme il a été trouvé par les papiers et registres desdits Elus (...) Lonny : l'imposition sur Jehan Raulin XL S., le IIIIème sur lui XXXII S., le XXème néant".
De ce texte, il ressort qu'en 1400, Jehan Raulin fait office de percepteur, et qu'il doit donner la somme demandée, à charge pour lui de la répartir sur les habitants. En l'occurrence, 40 sols pour les aides, 32 sols pour le quatrième (un quart du prix de vente au détail des boissons, qui sera diminué de moitié en 1465), et rien pour le vingtième, soit en tout 72 sols. (3)
En 1459, Lonny compte 55 familles. Cette somme représenterait à peine une journée de travail par famille (1 sol et 3 denier).
Mais en 1405, les aides ont été supprimées dans le Rethélois (4). Quant est-il dans le Porcien ?
En 1436 : composition du comté de Rethel, 5000 livres tournois (à la place des aides) (attribués par le roi au Comte de Rethel, baron de Douzy)

2°/ les aides comtales seraient supprimées et remplacées par la composition.

3°/ la gabelle serait devenue permanente après 1359. Lonny dépendrait du grenier à sel de Reims.

4°/ la taille aurait disparue en 1439 (cf. MANCEAU). Elle est remplacée par l'assise, un impôt personnel adapté en fonction de la richesse de chacun. Rien de particulier n'est mentionné pour Lonny, mais aux Mazures, en 1459 "chaque bourgeois demeurant aux Mazures, tenant labourage de chevaux, lui doit chacun au jour Saint-Martin d'hiver, un setier d'avoine et 6 deniers parisis ; et ceux qui ne tiennent labourage, lui doivent chacun an demi-setier d'avoine et 3 deniers chacun"
C'est ce que l'on appelait l'assise des chevaux (deux fois plus chère). Ainsi, les propriétaire de chevaux paient l'équivalent de 30 deniers, le simple manouvrier ne payant que l'équivalent de 15 deniers.
Cependant, on préfère généralement la taille abonnée, dont on mixe le montant total. Une répartition est ensuite faite, selon la richesse de chacun. Quant est-il à Lonny en 1459 ???
En 1445, le comte de Rethel fait lever sur le Rethélois une taille de 2005 francs or (AN J763 [63])

5°/ les impôts dus à l'Eglise.
Aux Mazures, il est signalé que l'Eglise prend 20 poules sur celles dues au seigneur, à la Saint-Martin, ainsi que 2 setiers de seigle sur le moulin. Ce qui représente l'équivalent de 160 deniers annuels pour une église sans curé...

Cet aveu du comte de Porcien nous apprend encore que la vie était rythmée par des dates précises :
1er mai : les bêtes peuvent pâturer aux Taillis
Saint-Jean (juin) : date d'échéance pour les bourgeois qui doivent 6 deniers. C'est aussi la date à laquelle on paie "sur certains héritages".
Saint-Rémy (octobre) : les bêtes quittent les Taillis
Saint-Martin : paiement du droit d'étalage
Noël : les bourgeois doivent 6 deniers
Ce qui permet de conclure que le tiers provisionnel existait déjà... Les aides étaient d'ailleurs, elles aussi, payables en trois fois, au 31 mars, au 31 juillet et au 31 décembre.

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Notes :
(1) "Tout bourgeois qui aura en la ville neuve une maison et un jardin hors les murs, nous paiera par 12 deniers : à la Nativité de Notre Seigneur, 6 deniers, et 6 deniers à la Saint-Jean-Baptiste".
(2) les Elus sont les fonctionnaires chargés de répartir les impôts.
(3) D'après l'enquête faite par Jehan d'Ay, commissaire du Duc d'Orléans, sur les revenus du Comté de Porcien. 31 octobre 1400. (AN K1155)
(4) Voir MANCEAU

 

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© Lucile Houdinet - 2004