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Un village au Moyen Âge

Merci de respecter ce travail et la mémoire de ma mère, Colette Chopplet-Houdinet, qui en est l'auteur. Ne vendez pas ces informations, citez vos sources si vous utilisez ces documents. Un petit mot pour me faire connaître l'usage ou l'utilisation que vous pourriez en avoir serait aussi le bienvenu.

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Les habitants de Lonny en 1459

III - Quelles sont les cultures pratiquées ?

Des légumes (suggérés par le mot "jardin")
Des arbres fruitiers, très probablement des noyers pour l'huile.
Des céréales : du blé (dont on tire le pain et les gâteaux), de l'avoine qui sert surtout pour la nourriture des bêtes, des chevaux principalement, mais qui, en période difficile, est utilisée pour la table. (1)

Il semble que moins d'un quart du pays soit constitué de prés permanents.
Si on prend l'exemple des terres seigneuriales, on constate qu'il y a pour une superficie de 115 hectares :
14 ha de terres arables (à Marigny) et 76 ha à la Bouverie (soit 90 ha) contre 25 ha de prés (5 à la Bouverie, 16 aux prés Cornette et Renault, et 4 à Marigny) (2).

Les méthodes sont, à Lonny, aussi traditionnelles qu'ailleurs : le territoire est divisés en trois parts : la part des céréales de printemps, c'est-à-dire l'avoine, la part du blé et la part de la jachère. Chaque année on procède à une rotation.
On en trouve trace dans le dénombrement d'Antoine de Croÿ pour Lonny quand il précise par exemple "toutes les fois qu'elle est ahennée" (c'est-à-dire semée) ; la terre à la Croix "quand elle est labourée, doit 3 setiers de grain tel qu'elle porte".

En examinant la carte, on peut voir apparaître les trois "royes" : blé, avoine, jachère.
Dans chaque sole (= la roye ardennaise), le seigneur à sa part, tout comme le paysan et il est logique de penser que des chemins permettaient l'accès direct aux terres du seigneur ; d'autres chemins devaient séparer les trois soles.
Or, en regardant les cartes des anciens chemins et en tenant compte des lieux-dits, on constate que les zones mentionnées comme propriétés personnelles du seigneur peuvent s'organiser ainsi :
- une située entre le ruisseau des Ebouilleaux et le chemin de Dragnies
- une située entre le chemin du Chauffour et le ruisseau de la Goulotte
- une située entre l'ancien chemin de Cliron (actuelle rue des Canes) et le ruisseau de l'Ormeau.
Chacune de ces zones correspondant à une sole.

De même, les terres des paysans tpeuvent s'organiser ainsi :
- une zone située entre le chemin de Dragnies et le ruisseau des prés d'en bas
- une zone située entre le ruisseau de la Goulotte et le chemin de Renwez
- une zone située entre le chemin de Renwez et le chemin de Cliron.
Chacune correspondant là aussi à une sole.

La reconstitution vaut ce qu'elle vaut... mais c'est une forte probabilité.


IV - Que rapportent les terres ?

Il faut déjà remarquer que toutes les terres n'ont pas la même valeur.
Antoine de Croÿ précise dans certains cas (à la ferme Marigny, par exemple) qu'il parle de "terres arables" alors que, dans d'autres cas, il emploie le simple mot de "terres" (comme pour désigner les Taillis, dont le nom même évoque un paysage de friches).
La Bouverie est le plus net exemple de "terres" qui ne valent pas grand chose : 76 hectares à La Bouverie rapportent autant que 14 hectares de terres arables à Marigny : "environ 4 muids de grain, moitié blé, moitié avoine".
On imagine que ces "terres" sont des friches, des pâturages récupérés que la forêt, des zones trop humides, mais aussi peut-être d'anciennes bonnes terres, abandonnées à cause de la guerre, par manque de bras.

On peut avoir une idée de ce que rapportent les différentes catégories de terres :
Les 16 hectares de prés (Renault et Cornette) rapportent 12 livres, soit 300 sous, ou encore 3600 deniers.
Ce qui revient à dire qu'un hectare de pré rapporte environ 225 deniers ou 18 sous.

On retrouve sensiblement la même valeur dans d'autres villages, et à d'autres époques. Par exemple, à Séry, en 1353, 1 hectare de pré rapporte un peu plus de 20 sous ; à la Malmaison, à la même date, 1 hectare de pré rapporte 20 sous. (3)

Mais ce chiffre est aussi très variable. A Harcy, dans le même acte de 1459 (4), 1 hectare de pré devant la forteresse rapporte 36 sous. Mais un autre pré d'Harcy ne rapporte que 11 sous.

Admettons donc pour base à Lonny 18 sous de rendement par hectare (soit 9 jours de salaires d'un manouvrier agricole).

Pour les terres arables, le problème est plus complexe, parce que lié aux prix de céréales, beaucoup plus variable que celui de l'herbe.
Le dénombrement de 1459 donne des prix :
1 setier de froment = 36 deniers (Charroué)
1 setier de blé = 48 deniers (Château-Porcien) ou 30 deniers (Renwez)
1 setier de blé "moture" = 28 deniers (Charroué)
1 setier d'avoine = 24 deniers (Renwez, Cliron)
1 setier de seigle = 40 deniers (Renwez)

On peut déjà tirer une conclusion : l'avoine se vend moitié du prix du blé.
Il est possible, sur ces bases, d'estimer en deniers le rapport des terres arables de Marigny, afin de le comparer à celui des prés, dont on a déjà vu que l'hectare est évalué à 225 deniers de rapport annuel.
Il est dit que les 14 hectares arables de Marigny et les 4 hectares de prés rapportent 4 muids de grain, moitié blé, moitié avoine ( soit 48 setiers).
Le prix du setier, mi-avoine, mi-blé, peut, au grand maximum, être de 36 deniers (au plus fort, son prix a été en 1353 de 60 deniers).
On peut donc faire le calcul avec ces deux valeurs.
Les 48 setiers valent 1728 deniers, si le setier vaut 36 deniers. Si on retire le rapport des 4 hectares de prés (900 deniers), il reste pour les 14 hectares arables, 828 deniers.
Ce qui met le rapport de l'hectare de terre arable à 59 deniers environ, à Marigny, soit 4 fois moins que les prés !

Si on fait le même calcul pour les terres de La Bouverie, on trouve un rapport de 10 ou 11 deniers à l'hectare : 20 fois moins que les prés !
A noter qu'un hectare à la Bouverie d'Harcy rapporte 172 deniers...

Quand le setier valait 60 deniers, le rapport de l'hectare arable à Marigny était de 141 deniers, soit 1 fois et demie de moins que les prés. A la Bouverie, le rapport était de 23 deniers soit 10 fois moins que les prés... (alors qu'à la Bouverie d'Harcy, l'hectare rapportait 288 deniers).

En conclusion, l'hectare à Marigny a pu rapporter 141 deniers (quand l'hectare à Séry rapportait 240 deniers et l'hectare à Harcy 288 deniers...). Au plus fort, le Bouverie rapportait 23 deniers.
Mais, en 1459, l'hectare ne rapporte plus que 59 deniers à Marigny et 10 à la Bouverie.
Il est donc assez évident que les terres de Lonny ne sont guère bonnes à la culture. Les paysans devaient cultiver des champs plutôt maigres.

Et, très certainement, l'élevage rapportant deux fois plus que la culture, on utilisait plutôt sa terre à élever des bêtes.
Ceux qui n'ont pas assez de terres pour faire paître, peuvent utiliser les Taillis "depuis le premier jour de mai jusqu'au jour de Saint-Rémy en octobre". Il s'agit de terres seigneuriales, mises à disposition des habitants du pays, moyennant redevance "3 ou 4 sols pour chacune bête". Il y a ainsi, chaque année, une dizaine de bêtes qui paissent sur la terre des Taillis, puisque le seigneur touche 40 sols.

Quant aux cochons, que l'imagerie populaire ne manque pas d'évoquer quand on parle du Moyen-Age, voici ce qu'en dit Antoine de Croÿ :
"Tous pourceaux des villes de madite terre de Montcornet qui sont 18, qui se mettent esdits bois communs, dont chacun pourcel paye par an 2 deniers parisis, me peuvent valoir 20 sols parisis" soit 240 deniers.
Il y a donc 120 porcs pour les 18 villages de terre de Montcornet, ce qui fait une moyenne de 6 ou 7 porcs par village.
Quand bien même il y en aurait dix à Lonny, cela voudrait dire que seule une famille sur 5 mène un porc à la glandée... Il est probable que d'autres porcs couraient dans le village, mais rien ne prouve que chaque famille avait son cochon.

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Notes :
(1) Un texte de 1481 cite comme preuve de pauvreté "les autres mangent du pain d'orge ou d'avoine". (AD08, E153)
(2) La Bouverie :
294 jours = 75 ha 85 a 20 ca (terres)
2 verges = 86 ca (terres)
14 fauchées = 4 ha 81 a 60 ca (en plusieurs prés)
Pré Renault et pré Cornette :
46 fauchées = 15 ha 82 a 40 ca (prés)
Maison Marigny :
55 jours = 14 ha 19 a (terres arables)
10 fauchées = 3 ha 44 a (prés)
(3) Aveu de Jean de Beaufort au comte de Porcien (in "Documents relatifs au Porcien", Gaston ROBERT, p. 156)
(4) Aveu d'Antoine de Croy, base de cette étude.

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