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Un village en guerre (1870)

Merci de respecter ce travail et la mémoire de ma mère, Colette Chopplet-Houdinet, qui en est l'auteur. Ne vendez pas ces informations, citez vos sources si vous utilisez ces documents. Un petit mot pour me faire connaître l'usage ou l'utilisation que vous pourriez en avoir serait aussi le bienvenu.

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La guerre (15 juin - 15 août)

15 juin 1870
Le printemps se termine et Lonny commence les foins. Le ministre de la guerre annonce que "comme les années précédentes, des militaires seront mis à disposition des cultivateurs qui en auraient besoin pour les travaux des champs, à défaut d'un nombre suffisant d'ouvriers civils".
Mais un mois après, le ton change : la guerre a été déclarée à la Prusse parce qu'il y a eu quelques provocations, quelques mots cinglants, quelques blessures d'amour propre et qu'il suffit de cela pour entraîner deux peuples dans une catastrophe... Il n'est plus question d'envoyer les militaires à la moisson ni de leur faire l'âme bucolique ! On a besoin de soldats.
Et, semaine après semaine, chaque matin, les murs du village se tapissent d'affiches.

14 juillet 1870
On appelle la deuxième portion du contingent des classes 1866-1867-1868 (1) et la réserve : les veufs sans enfants et les célibataires de 25 à 35 ans qui avaient, en leur temps, tiré un bon numéro et donc n'ont pas fait de service militaire.

17 juillet 1870
L'Empereur demande des engagés volontaires pour l'armée de terre qui doivent fournir "un certificat de bonnes vies et moeurs" : le Commandement veut des hommes faciles à manier et non des fortes têtes... des anciens militaires de moins de 40 ans ; des veufs sans enfants ; ou des célibataires pourvu qu'ils aient plus de 17 ans : des gosses ! Va-t-on revoir cette armée des "Marie-Louise" de Napoléon 1er, ainsi nommés parce que gamins enrôlés si jeunes qu'ils avaient encore un visage efféminé ? Mais pour l'heure, cependant, les parents doivent donner leur autorisation à ceux qui n'ont pas atteint 20 ans.
On manque d'hommes, aussi est-il conseiller aux recruteurs de "décerner des certificats d'aptitude aux jeunes gens désireux de participer à la guerre, lors même que leur taille serait inférieure à 1 mètre 55, si cette insuffisance de taille se trouve rachetée par une forte constitution".
L'Empereur proclame la mise en activité de la Garde nationale mobile (2).

18 juillet 1870
Les affiches réclament les chevaux, juments et mulets de l'armée, laissés en dépôt par l'armée chez les cultivateurs. 19 juillet 1870. L'armée annonce qu'elle achète des chevaux de selle et de trait. 25 juillet 1870. On demande des engagés volontaires pour la Garde nationale mobile. (3)

26 juillet 1870
La classe 1869 est appelée à l'activité dans l'armée régulière. (4) On est ainsi arrivé au mois d'août, sans qu'il ce soit encore rien passé, au grand étonnement de tout le monde : pendant ces quinze jours, la France a seulement procédé à la mobilisation de ses troupes, avec beaucoup de lenteur et de confusion, avec aussi un incurable optimisme : les généraux en sont réduits à quémander des armes, à chercher des hommes, une intendance fantôme et même des cartes...
En face, les Prussiens, d'abord ahuris par cette France qui déclare la guerre et qui ne la fait pas, mais bientôt certains qu'il n'y a là aucun piège, passent à l'attaque le 3 août et bousculent les troupes françaises qui, sans méfiance, sont en train de préparer la soupe tranquillement ! C'est Wissembourg, première défaite d'une série ininterrompue : Froeschwiller, Reichshoffen, Furbach...

10 août 1870
Le gouvernement français comprenant enfin que la France n'est pas prête, prend les événements au sérieux : "les personnes valides de tout âge seront admises à contracter un engagement pour la durée de la guerre, dans l'armée active".

12 août 1870
On réorganise la garde nationale sédentaire (5), susceptible de prêter main-forte à l'armée, mais jamais bien loin du village : "Ce qu'il faut avant tout, c'est réunir des hommes solides, prêts à la résistance et habitués au tir et au maniement des armes." Aussi, leurs officiers doivent-ils être élus parmi d'anciens militaires.

On arme les hommes de 30 à 40 ans et on leur imagine un semblant d'uniforme : une blouse avec un signe distinctif aux parements et au collet, ainsi qu'un képi garni de passementerie rouge. Mais que pourront ces groupes hétéroclites, mal entraînés et qui ignorent à peu près tout de l'art du combat, en face de Prussiens précis et guerriers ?

13 août 1870
On apprend avec satisfaction que 26 000 francs vont être distribués dans les Ardennes "pour venir en aide aux familles véritablement malheureuses et qui, par suite du départ de leur chef ou de leur soutien, se trouveraient exposées à des privations".

15 août 1870
Selon le vœu de l'Empereur, dont c'est la fête, les municipalités consacrent "au soulagement de nos soldats blessés ou malades, les fonds qui en d'autres circonstances eussent été affectées à des réjouissances publiques". Et une cérémonie officielle se déroule à l'église en présence du Conseil municipal qui récite des prières solennelles pour attirer "les bénédictions du Ciel sur le souverain et sur l'armée de France"... Lesquels en ont fort besoin en effet : tout n'est que défaites et l'invasion a commencé !

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(1) Selon la loi de l'époque, les jeunes gens passaient un Conseil de révision qui exemptait de services militaires certains cas : le fils unique d'une veuve, l'aîné d'une fratrie d'orphelins, l'infirme, le petit (moins de 1 mètre 55). Les autres tiraient un numéro : le "mauvais numéro" envoyait à l'armée, encore pouvait-on se faire remplacer par un autre à prix d'argent.
(2) La Garde nationale était une milice de citoyens armés, chargée du maintien de l'ordre et périodiquement réorganisée par les divers gouvernements. La loi militaire du 14 janvier 1868 avait retenu l'idée, proposée en 1867 par le maréchal Niels, de créer une Garde nationale mobile qui serait une armée de seconde ligne formée de tous les exemptés du service militaire (les "bons numéros" du tirage au sort, et ceux qui s'étaient fait remplacer) lesquels seraient soumis régulièrement à des périodes d'instruction. Mais faute de crédits, cette garde nationale mobile n'existait que sur le papier en 1870...
(3) La Garde nationale mobile devait à l'origine regrouper les exemptés de service militaire. Mais certains pourront cependant rester chez eux parce qu'ils exercent une profession nécessaire aux civils (boucher, boulanger, maçon, etc.) ou parce qu'ils sont soutiens de famille (fils unique d'une veuve, aîné d'orphelins). Il fallait donc recruter des volontaires pour compenser.
(4) Le canton de Renwez, dont Lonny fait partie, doit fournir 18 hommes. Ceux qui tirent un "bon numéro" (plus grand que 57) ne partent pas.
(5) La Garde nationale sédentaire comptait tous les citoyens valides et en possession de leurs droits civils et politiques, à l'exception des curés, des douaniers, des gardiens de prison et des militaires, âgés de 30 à 40 ans (plus tard de 20 à 55 ans).
Les gardes peuvent être utilisées soit :
- au service ordinaire, dans l'intérieur de la commune (ceux qui ont plus de 21 ans et qui habitent la commune depuis plus d'un an)
- en réserve (ce sont les plus pauvres, ceux dont la profession est reconnue nécessaire au public, ceux qui ont moins de 21 ans et qui habitent le commune depuis moins d'un an)
- en service de détachement :
- en cas d'insuffisance de la gendarmerie et de la troupe de ligne pour escorter des prisonniers, des condamnés, des fonds, des convois de poudre...
- pour porter secours aux communes, arrondissements ou départements troublés ou menacés par des séditions, des émeutes ou des associations de malfaiteurs.
- pour porter secours d'un lieu dans un autre pour le maintien ou le rétablissement de l'ordre et de la paix. Le maire et le commandant de la Garde désignent les hommes du détachement, en commençant par les célibataires et les plus jeunes. Si le service de détachement dure plus de 24 heures, les gardes sont assimilés aux troupes de ligne et touchent une solde, une indemnité de route et des prestations en nature.
- en service de corps mobilisés (après le 29 septembre 1870) pour seconder l'armée de ligne.
Ces troupes comportent des volontaires (veufs sans enfants ou célibataires) de 21 à 40 ans

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