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Un village en guerre (1870)

Merci de respecter ce travail et la mémoire de ma mère, Colette Chopplet-Houdinet, qui en est l'auteur. Ne vendez pas ces informations, citez vos sources si vous utilisez ces documents. Un petit mot pour me faire connaître l'usage ou l'utilisation que vous pourriez en avoir serait aussi le bienvenu.

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L'évacuation

Mardi 18 mars 1873 : grands sourires aujourd'hui en ouvrant le Courrier des Ardennes.
Grandes bourrades. C'est la fête !
"On lisait hier en tête du Journal Officiel : un traité d'évacuation du territoire français, fruit de longues négociations, vient d'être signé aujourd'hui 15 mars, à 5 heures du soir à Berlin.
Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne, Roi de Prusse, s'est engagé à évacuer au 1er juillet prochain les quatre départements des Vosges, des Ardennes, de la Meuse et de la Meurthe-et-Moselle, ainsi que la place et l'arrondissement de Belfort. Cette évacuation ne devra pas durer plus de quatre semaines.
Pour gage des deux paiements restant à accomplir, la place de Verdun avec son rayon continuera seule d'être occupée jusqu'au 5 septembre. A partir de cette date, elle sera évacuée en deux semaines..."

La promesse d'évacuation prochaine occupe tant les esprits qu'on ne remarque qu'à peine une autre nouvelle, parue elle aussi dans le Courrier des Ardennes, le vendredi 11 avril 1873 :
"Le vote de lundi qui accorde aux départements envahis un second et dernier subside de 120 millions pour les indemnisations de leurs pertes de guerre, nous a péniblement impressionnés..."

C'est que M. Philippoteaux, le dévoué député, avait demandé encore 80 millions supplémentaires qui viennent donc d'être refusés...
 
Et juillet arrive. Juillet tant attendu. Une sécheresse exceptionnelle s'installe... En même temps, monte une telle effervescence que le Préfet, compréhensif mais alarmé, écrit aux maires, le 8 juillet :
"Il importe que le mouvement de départ des troupes allemandes ne donne lieu à aucun désordre, à aucune manifestation. La population des Ardennes, si rudement éprouvée par les malheurs de la guerre a courageusement supporté la longue épreuve de l'occupation étrangère. Cette occupation touche à son terme.
Sachons conserver jusqu'au dernier moment l'attitude calme et digne qui convient en de pareilles circonstances. Et n'oublions pas que le vrai patriotisme doit se manifester autrement que par des cris et des démonstrations inopportunes."

Le lendemain, 9 juillet, on lit dans le Courrier des Ardennes (et avec quel plaisir !) :
"Il résulte d'un tableau officiel communiqué à la Préfecture par l'autorité allemande que l'évacuation du département des Ardennes commencera le 15 juillet et sera terminée le 25.
Rocroi sera évacué complètement le15, Rethel le 16, Vouziers le 18, Mézières, Charleville et Villers le 23, Sedan et Donchery le 24."
 
 
Les Allemands respectent scrupuleusement ce calendrier :
Le 15 juilet 1873, Lonny voit passer une partie de la 2ème division d'infanterie bavaroise : le premier bataillon de chasseurs (20 officiers, 660 soldats et 30 chevaux) et la 7ème batterie de campagne (5 officiers, 148 soldats et 130 chevaux). Ils viennent de Rocroi et vont faire étape le soir à Tournes, Damouzy et Houldizy. Ils partent, ils partent ! C'était vrai, c'est enfin arrivé !
 
Chaque jour, le journal commente abondamment (mais prudemment !) les départs qui se succèdent.
Et bientôt même, il annonce le retour des soldats français dans les garnisons !
 
Et la joie commence à si bien soulever la population que le Préfet adresse aux maires une circulaire de mise en garde :
"Il est aisé de prévoir quels sentiments éprouveront vos administrés en revoyant nos soldats, après trois années d'occupation étrangère.
Mais je dois appeler votre attention, Messieurs, sur les inconvénients et les dangers qu'il y aurait, dans les circonstances actuelles, à ce que ces sentiments ne se manifestassent par des fêtes et des démonstrations bruyantes : nous ne devons pas oublier que tout acte irréfléchi, toute parole imprudente peuvent entraver la libération complète du territoire et aggraver, pour la ville de Verdun, l'occupation qui pèsera encore sur elle..."
 
Mais les gens ne comprendront pas bien pourquoi on leur refuse le droit de danser et de chanter la Marseillaise !
 
Les récits parus dans le journal au fur et à mesure de l'évacuation montrent en effet que les villes ont un certain mal à contenir l'exubérance des foules...
 
Une grosse explosion de joie jaillit quand on lit en première page :
"La voici donc arrivée cette heure bénie de la délivrance : demain 24 juillet, se termine l'évacuation totale et définitive du département !
Demain, cessera de passer sur nous la lourde botte des Germains !
Demain seulement, nous redeviendrons complètement Français !"

Les rues, les maisons pavoisent. Des illuminations apparaissent spontanément et partout. C'est une immense fête populaire... qui, parfois, tourné à l'émeute :
Le 25 juillet, le Brigade de gendarmerie de Lonny est appelée en renfort à Charleville. Les habitants, descendus dans les rues, promènent des drapeaux français, fabriqués à la hâte dans maint atelier ou autour de la lampe familiale. On est redevenu des Français libres et on le crie et on le chante ! On brandit aussi des banderoles : "Vive Monsieur Thiers, le libérateur du territoire !"

Or, Mr. Thiers, républicain, a été remplacé par un gouvernement certes républicain, mais au cœur royaliste !
Les drapeaux tricolore semblent des provocations, le souvenir de Thiers aussi...
La politique du moment n'est ni claire ni facile. Les Allemands sont à peine au bout de la rue, que déjà des dissensions graves éclatent !

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