Ecrivez-moi
   Accueil   |   Généalogies   |   Histoires   |   Photos   |   Cousins   |   Help   |   Liens   
 

 

Un village en guerre (1870)

Merci de respecter ce travail et la mémoire de ma mère, Colette Chopplet-Houdinet, qui en est l'auteur. Ne vendez pas ces informations, citez vos sources si vous utilisez ces documents. Un petit mot pour me faire connaître l'usage ou l'utilisation que vous pourriez en avoir serait aussi le bienvenu.

<< Retour

L'occupation

Les jours suivants, des troupes nombreuses montent vers le nord : il est facile de comprendre qu'après avoir pris Mézières, les Prussiens vont assiéger Rocroi. Place qui capitule à son tour, dans un épais brouillard, le 5 janvier.

Le 12ème Corps d'armée allemande est réparti dans les Ardennes : des Saxons et des Bavarois, dont le Préfet soulignera plus tard "l'habitude de discipline et l'esprit d'équité".

18 janvier 1871 : le nouvel empire allemand est proclamé à Versailles.

22 janvier 1871 : il est permis de sonner à nouveau les cloches.

23 janvier 1871 : Mr. HORBETTE, le maire de Lonny, verse aux Prussiens, dont le commandement est installé à Rethel, une somme de 55 francs, destinée à payer des couvertures que réclame l'ennemi. Divers habitants du village se cotisent :
10 francs : BILLAUDEL-NISOLE, ROUSSEAU D'HIRAUMONT
5 francs : la veuce BRIARD, la veuve CHERET, MALICET, la veuve SAINGERY-MOZET, la veuce SAINGERY-RENARD, VAULET
3 francs : la veuve BUCHET
2 francs: HENNEQUIN

28 janvier 1871 : l'armistice est signé ; il arrête les combats et désarme la capitale.
Le maire de Lonny donne lecture d'une lettre du Préfet prussien, VON KATTE, qui désormais, fait la loi :
"La commune de Lonny est comprise pour la somme de 1600 francs dans la contribution d'un million imposée au département des Ardennes, pour compenser la propriété allemande des pertes qu'elle a subies, tant par nos vaisseaux que par l'expulsion des Allemands."
Il s'agit de verser cet impôt avant le 30 janvier : deux jours de délai !

La commune n'a pas le droit de le lever sur les fonds communaux placés au Trésor Public (un décret du gouvernement français a immobilisé le Trésor...).
Le délai est si court qu'on ne peut prendre le temps de s'adresser à chaque contribuable. Demander des volontaires ? Mais peu de personnes, à dire vrai, seraient disposées à donner !
Alors, il ne reste plus qu'une solution : emprunter à des particuliers dévoués et possédant de l'argent liquide. La somme est ainsi réunie (elle produira intérêt à5% l'an) :
700 Francs : JOSEPH
400 francs : DAUMAL
200 francs : Jules BRIARD
100 francs : Eugène BOCQUILLET-MARTIN, DAPREMONT-BARRE et HORBETTE

30 janvier 1871 : 150 Prussiens arrivent en trombe à Lonny et investissent véritablement le village. Furieux, écumants. Ils prétendent que des dégâts ont été commis au télégraphe...
On discute, on essaie de leur expliquer que Lonny n'a rien à voir là-dedans, que les dommages sont sur le seul territoire de Sormonne. On leur montre un décret prussien affiché sur les murs : "la commune n'est pas responsable des dommages survenus sur un territoire voisin".
Mais il est impossible de se faire entendre ! impossible même de leur dire que les dégâts sont minimes !
Ils se font menaçants... et 1250 hommes armés, cela donne à réfléchir !
On se concerte : mais ils emmènent quatre notables en otages. Alors, vite, pour éviter le pire, Mr. BOCHET paie les 914 francs réclamés. C'est du brigandage !

Jeudi 2 février 1871 : le Journal des Ardennes réapparaît, qui explique son long silence :
"Un arrêté de Mr. Le Préfet prussien de Rethel avait interdit la distribution de notre journal dans les parties du département qui étaient alors occupées. Mais Charleville et Mézières étant encore libres, nous n'en avons pas moins continué notre publication, si restreinte qu'elle fut, jusqu'au jour où le bombardement de Mézières et l'occupation immédiate de nos deux villes ont rendu cette publication absolument impossible."

3 février 1871 : les Prussiens de Mézières réquisitionnent pour leurs bêtes 15 sacs d'avoine de 75 kg. chacun, 500 kg. de foin et autant de paille. Dix-huit familles contribuent à la livraison :
150 kg. d'avoine : DIMANCHE
75 kg. d'avoine : Eugène BOCQUILLET, BRIARD, CHERET, DAPREMONT, Fulgence DETRAU, DETRAU-NISOLE, JOLLY, OUNY, RICARD père, ROUSSEAU D'HIRAUMONT, THOME
37 kg. d'avoine : Théophile BOCQUILLET, Hyppolite BRIARD, DETRAU-HERBIN, MAHOUDEAUX
Mais quand on pèse les quantités, on s'aperçoit qu'elles ne sont pas exactes : il faut fournir encore 16kg. que donnera Mr. HORBETTE, avec les 500 kg. de paille exigés et 415 kg. de foin. Mr. BOCHET ajoutera 65 kg. de foin.

7 février 1871 : Le préfet VON KATTE demande à la commune 18 francs, que paiera mr. HORBETTE, pour participation aux frais d'éclairage des forts de Paris.

15 février 1871 : une contribution est levée (en vertu de la Convetion signée le 28 janvier) pour fournir aux officiers, médecins et employés de armées allemandes se trouvant en France, un supplément de gages de 15 francs par jour à partir du 29 janvier, et pour la durée de l'armistice : Lonny doit donner 360 francs, que versent Mr. Jules BRIARD (300 francs) et Mr. HORBETTE (50 francs).
Une réunion du Conseil municipal s'avère utile et urgente :
"La commune, en présence des exigences allemandes a besoin de se créer des ressources." dit le maire.
Et il propose de "vendre les écorces de la coupe affouagère actuellement délivrée, laquelle ne sera distribuée aux habitants qu'après l'écorcage".
Mais cela ne saurait suffire : il faut rembourser aux habitants tout ce qu'ils ont déjà prêté à la commune et tout ce qu'ils ont dû donner aux Prussiens. Il faut surtout que la commune paie les divers impôts que le Préfet VON KATTE multiplie. Comme ces 4626, 75 francs demandés pour le 10 mars prochain ! (qui représentent les deux tiers du principal des impôts directs et les impôts indirects de 1871 évalués à 50 francs par tête).
Le maire précise : "Il était et il est impossible à l'administration municipale de se soustraire à ces réquisitions arbitraires : un refus ou même un simple retard exposerait la commune et ses habitants à des exigences plus grandes, mêmes à des exactions contre les personnes et les propriétés, sans résultat utile pour la commune. Il s'agit là de charges de guerre dont toute la France doit supporter le poids, dans la proportion et de la manière qui seront uniformément et ultérieurement indiqués par les pouvoirs constitués."

En fait, on ne peut guère demander ces sommes aux habitants : la plupart d'entre eux n'ont plus d'argent !
Aussi, le maire a-t-il réuni son Conseil, grossi des plus imposés de la commune (MM. Jean Baptiste RICARD père, Ambroise NISOLE-TROYON, Claude Hubert HENNEQUIN, François MALICET, Auguste GRIDAINE, Hyppolite BRIARD), afin de voir s'il peut ouvrir un emprunt qui solderait toutes les dettes.
Et il apparaît que la meilleure solution est de créer des obligations de 100 francs nominatives et au porteur (produisant 5% d'intérêt annuel, payable par semestre le 20 août et le 20 février), que la commune s'engage à rembourser par voie de tirage au sort dans l'année qui suivra la conclusion de la paix, et au fur et à mesure des ressources de la caisse municipale.
Mr. HORBETTE annonce encore qu'il verse de sa poche 12 francs, nécessaires pour l'impression des obligations et 6 francs pour s'abonner au Journal Officiel prussien...

22 février 1871 : encore une réquisition en nature, à livrer à la mairie de Mézières et, selon toute probabilité, pour le compte de cette ville :
Mr. JOSEPH fournira 500 kg. de foin
Mr. MATHIEU, 1000 kg. de paille
Mr RICARD, 12 sacs d'avoine de 75 kg. chacun...

Un poste saxon est établi à Lonny : les chevaux logeront donc dans les écuries BRIARD et NISOLE. Qu'on taille des perches pour y établir des box !
C'est Adrien BILLAUDEL qui fournit la paille nécessaire.
On usera 10 kg. de chandelle pour l'éclairage...

Les Allemands se sont engagés à rembourser les frais qu'entraînent leurs séjours dans les maisons, du moins à partir du 3 mars.

Il a bien fallu accepter leur présence. Mais il y a eu des résistances. On raconte dans le village qu'une vieille femme vit ainsi arriver un cavalier, vissé sur son cheval, et qui, sans mettre pied à terre, lui dit qu'il venait pour se loger. Comme elle n'avait pas froid aux yeux, et que ce jeune blanc-bec impoli l'irritait, elle fit l'innocente :
"- J'n'avons mi rin d'assez grand, savez-vous !"
Plus il insistait, plus elle prenait l'air confus et désolé. Si bien, que s'énervant un peu, il descendit de sa monture pour lui faire entendre raison. Alors, elle eut un grand sourire ravi et naïf qui le désarma :
"- Ah, ben sûr, si ça s'démonte, l'plafond s'rin p'têt' bin' assez haut !"

11 mars 1871 : les Allemands s'engagent, par une convention officielle, à ne plus faire aucune réquisition ! En revanche, le gouvernement français fournira l'alimentation de troupes d'occupation.

10 mai 1871 : la paix est signée ! Mais les départements du Nord-Est sont occupés et ne seront libérés que progressivement, au fur et à mesure du paiement de 5 milliards aux Prussiens…
Du moins, la cohabitation ne devraient plus être hostile.

>> Suite

 

vers Histoires <<

> Un village en
   guerre (1870)

> Un village au
   Moyen Âge (1459)

> Le relais de la
   Poste aux chevaux
   (1450-1850)

> Dossiers à venir

> Relevés BMS

© Lucile Houdinet - 2004