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Un village en guerre (1870)

Merci de respecter ce travail et la mémoire de ma mère, Colette Chopplet-Houdinet, qui en est l'auteur. Ne vendez pas ces informations, citez vos sources si vous utilisez ces documents. Un petit mot pour me faire connaître l'usage ou l'utilisation que vous pourriez en avoir serait aussi le bienvenu.

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La résistance (20 octobre - 31 décembre)

Jeudi 1er décembre :
A midi, une importante colonne prussienne arrive à Lonny et se dirige vers Harcy. Les soldats se répandent de chaque côté de la Grand-Route protégée par une batterie d'artillerie pendant qu'ils gravissent le côte. Une barricade coupe le chemin d'Harcy à Renwez, occupée par des francs-tireurs qui la défendront longtemps avant d'être délogés par la mitraille et de se replier dans les bois… Les Prussiens braquent alors leurs trois pièces sur Harcy : il est 13 heures trente, et le bombardement va durer jusqu'à 16 heures. Plus de deux heures !
Puis, c'est le pillage organisé : les ennemis parcourent le village en brisant portes et fenêtres, réclament à boire et à manger et ramassent en un instant toutes les provisions...
Mais un petit groupe d'entre eux se fait remarquer : des soldats dont saura plus tard que ce ne sont pas des Prussiens, mais des Polonais du duché de Posen. Malgré leur langage inintelligible, ils savent expliquer que, moyennant un peu d'argent, ils sortiront les meubles des maisons pour les protéger : il faut aller vite, les officiers viennent de donner l'ordre d'incendier le village ! Devant leur air sympathique, une femme leur propose 5 francs et, effectivement, ils mettent aussitôt les meubles à l'abri. Mais ils ne peuvent en faire plus : le feu commence à la maison de Mr. Georges FROUGNUT et se communique aux maisons voisines. Un autre feu est allumé chez Mr. TATON fils. Une heure après, ce sont 14 habitations qui sont en flammes. Sans doute, y en aurait-il eu beaucoup plus, mais le commandant prussien est tué ; et sa mort évite au village le ruine totale.

Il paraît que la 14ème division allemande, libérée par la capitulation de Thionville et Montmédy, installe ses batteries pour investir Mézières. Jeudi 22 décembre :
Au réveil, Lonny s'aperçoit tout de suite que quelque chose ne va pas vers Rimogne : on entend un bombardement qui dure et qui dure...
En effet, dans l'obsurité, les Prussiens ont encerclé la commune, installant plusieurs batteries sur les hauteurs de Hubertchamp. Six maisons sont incendiées à la Rocaille. Rimogne est pillé et les ennemis enlèvent un grand nombre de bourgeois, à la tête desquels se trouve le curé CHAMSAUT. (1)

Soudain, c'est le tour de Lonny : 300 à 400 Prussiens arrivent.
Le village tend le dos. Cette fois, ils ne sont pas seulement de passage : ils prennent Lonny ! Que les habitants remettent toutes leurs armes et se plient aux réquisitions !
Les conseillers municipaux décident alors de se réunir pour protéger au mieux les intérêts des habitants, et jouer tour à tour le rôle du maire, malheureusement absent.
Il faut nourrir la troupe et nourrir les 200 chevaux. 21 hommes sont réquisitionnés comme manœuvres. Ils se livrent pendant deux heures à des travaux de terrassement (que la commune leur paiera 0F25 de l'heure). Des voituriers sont envoyés faire des transports (bagages, munitions, blessés, vivres...) : la commune les indemnisera plus tard.

Le lendemain, le Commandant prussien de Lonny, le comte de WINTERFELD, brandit un décret : il est interdit de tirer des coups de fusil, de sonnet les cloches, de faire des annonces par des instruments bruyants.

Le surlendemain, enfin, les Prussiens quittent le village, vers Mézières. Au début de l'après-midi, on entend le canon tonner, pas bien loin, peut-être à l'entrée de Charleville.
On est le 24 décembre : drôle de nuit de Noël !

Dimanche 25 décembre : pas de trêve…
Dès cinq heures du matin, l'ennemi tire des coups de canon et des obus, depuis les hauteurs d'Etion, sur les premières maisons de Bélair, pour en déloger les francs-tireurs dont le poste est établi près de l'église. La place de Mézières envoie des secours : plusieurs pièces d'artillerie sur la route des Flandres. De toute la journée de Noël, le canon ne cesse de retentir.

Lundi 26 décembre : on apprend que les combats d'hier ont été sérieux, comme on s'en doutait : six obus rien que sur l'église de Bélair !

Mardi 27 décembre :
Mr. HORBETTE, le maire de Lonny, est de retour. Le conseil municipal se réunit et lui raconte les événements (2). Aussitôt, on assure les bâtiments communaux contre l'incendie : la mairie, le logement de l'instituteur, le presbytère et leurs mobiliers respectifs.
On encourage les habitants à se prémunir de la même façon : on ne saurait être trop prudent quand on voit toutes les exactions commises dans les villages voisins.
D'ailleurs, une circulaire préfectorale du 18 décembre conseillait d'agir ainsi :
"L'incendie, tel qu'il se pratique dans la guerre, a pour effet surtout d'énerver les courages : les hommes dont la maison est menacée du feu par l'ennemi perd toute son énergie pour la défense commune. Tel qui ne craint pas d'exposer sa vie, recule lorsqu'il sait que l'incendie menace le seul abri de tout ce qui lui est cher, le produit accumulé du travail de toute une vie, souvent l'unique ressource de ses enfants. L'ennemi le sait bien. C'est toujours avec cette horrible menace du feu qu'il réussit à épouvanter les populations. Paralyser cet épouvantail, c'est contribuer encore à la défense nationale."

Vendredi 30 décembre :
Il neige dans la soirée. On entend les canons vers Mézières.

Samedi 31 décembre :
Le jour n'est pas levé qu'on est déjà tiré du lit par les hurlements lointains des obus. Mézières brûle ! Le ciel s'enflamme.
Aussitôt, chacun pense à sa famille, à ses amis qui sont là-bas.
Il fait -18°, mais le grand gel n'arrête personne : dans l'air coupant, tout Lonny monte sur les hauteurs, pour voir. On court le long de la route de Renwez. Et on se pétrifie devant le spectacle hallucinant qui durera toute la journée. Les obus tombent à une cadence affolante. Une épaisse fumée rouge s'élève inlassablement.
Le soir tombe, et le canon tonne toujours. A minuit juste, une interminable salve de 90 obus souhaite la bonne année !

Dans la matinée du 1er janvier, soudain, le silence.
Après 27 heures de bombardement sans relâche, c'est la capitulation sans condition, avec 500 hommes...
Le temps d'occupation commence.

On sait difficilement les nouvelles : le journal ne paraît plus depuis la Noël… Mais, plus tard, on racontera que les Prussiens ont tiré 6 319 obus, dont 893 incendiaires… 262 maisons sont totalement détruites. Et toutes les autres sont plus ou moins touchées...


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(1) Délibérations municiaples d'Harcy (19.6.1871) : "Harcy a eu à subir 6 attaques successives entre l'armée ennemie et les francs-tireurs veus de tous côtés. Trois incendies allumés par les Prussiens détruisirent complètement au moins 30 espaces de bâtiments, dont la valeur expertisée par le Commission d'enquête n'est pas inférieure à 200 000 francs. Fenêtres brisées, portes enfoncées, le pillage, la dévastation (et tout cela par un hiver exceptionnellement rigoureux) ont porté la consternation parmi les malheureux habitants. Les pertes éprouvées par Rimogne ne sont rien en comparaison, elle n'a eu que 2 maisons d'incendiées, quelques-unes légèrement par des obus partis d'Harcy où les Prussiens avaient établi leurs batteries."
(2) 27.12.1870 : "le Conseil municipal, convoqué par Mr le maire, à la demande de plusieurs membres, s'est réuni au lieu ordinaire de sa séance, sauf approbation ultérieure de Mr. Le Préfet, avec qui les communications sont momentanément interrompues, par suite de l'investissement de la ville de Mézières et de l'occupation des pays environnants par l'armée prussienne (…)"

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