Merci de respecter
ce travail et la mémoire de ma mère, Colette Chopplet-Houdinet,
qui en est l'auteur. Ne vendez pas ces informations, citez vos sources si vous
utilisez ces documents. Un petit mot pour me faire connaître l'usage ou
l'utilisation que vous pourriez en avoir serait aussi le bienvenu.
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- Faire vivre le relais
de la Poste aux chevaux
Les
maîtres de poste
Jean Baptiste DUPEYRE
Il apparaît à Lonny le 17 janvier 1727 lorsqu'il achète la
"maison de Messire Huet".
Il était orignaire de Gascogne, d'une famille noble et riche. Il avait
été amené par le duc d'Aiguillon, marquis de Montcornet,
et placé comme concierge au château de Montcornet, habitable à
cette époque (1). Il avait épousé
une jeune fille du pays, Catherine MARTIN (née en 1690).
"Vente à
Jean Baptiste Du Peyré, capitaine général des fermes de Sedan
et Charleville, receveur du marquisat de Montcornet, d'une maison sise à
Lonny rue Saint-Bernard avec de nombreuses terres autour de Lonny et Renwez."
(2)
Le concierge avait, comme on le voit, pris de l'importance !
En 1730, on le retrouve marchand à Lonny :
"Le sieur Jean Baptiste du Peyré, marchand,
ci-devant fermier et receveur de la terre et seigneurie de Montcornet, demeurant
actuellement à Lonny, se porte demandeur en exécution de l'arrêt
de la cour du Parlement, contre M. Armand Louis du Plessis de Richelieu, comte
d'Agénois, marquis de Montcornet, demeurant ordinairement à Paris." (3)
En 1734, il tient à bail, de Notre-Dame de Reims, la recette de la terre
des Pothées dont, le 31 juillet 1734, il rétrocède
moitié à Jacques MERCIER de Charleville, pour 4500 livres. Il lui
cédera l'autre moitié avant 1737, puisqu'à cette date, Notre-Dame
de Reims fait le bail à Jacques MERCIER pour la totalité de la recette.
Il a donc récupéré par cette opération 9000 livres
(4).
Peut-être est-ce à ce moment qu'il vend 1/8 d'une ardoisière
lui appartenant et sise en forêt de Montcornet, aux Chartreux du Mont-Dieu,
pour le prix de 1600 livres ?
On le trouve mentionné
comme maître de poste le 15 septembre 1740, lors du décès
de sa femme (5). On peut imaginer qu'il a
acheté son brevet avec l'argent gagné par la vente de son office
de receveur des Pothées.
Jean Baptiste DU PEYRE menait
apparemment grande vie en tout cas, puisqu'en 1748 il fait banqueroute. Pendant
six semaines, le maître de la Poste est à la rue avec ses meubles
! On dit qu'il ne s'en remit jamais et en mourut de chagrin... (6)
Nicolas CHARBONNEAUX
A point nommé se trouva un fiancé pour la fille de la maison, Barbe
DU PEYRE. Nicolas CHARBONNEAUX, natif de Mesmont, mais habitant Novion-Porcien,
avait l'avantage d'apporter 6000 francs dans la corbeille de mariage ! Bon écuyer,
assez instruit dans l'art vétérinaire, il ne pouvait qu'être
un bon maître de Poste (7).
Il racheta tout, brevet, meubles, écuries, chevaux, harnais, tout sauf
la maison qui resta aux DUPEYRE. Le mariage eut lieu le 31 janvier 1750 (8).
Grand et bel homme, doux, gai, aimable,
il était sympathique à tous les gens du pays, dont il soignait les
bêtes. Il savait lancer des plaisanteries spirituelles ou raconter ses souvenirs
du siège de Bergoopzom vers 1740.
Par contre, il avait des rapports assez houleux avec Jean Baptiste
DU PEYRE, son beau-frère de Paris qui s'empara même de ses biens
propres, considérant que, puisque la maison lui appartenait, tout ce qu'elle
contenait était à lui ! (9)
Nicolas CHARBONNEAUX, le maître de
la Poste n'était toléré que parce qu'il connaissait le métier,
mais comme domestique et à condition qu'il restât avec les animaux
domestiques, ces chevaux dont il avait été le propriétaire
!
Un procès opposa
en 1762 d'une part Jean Baptiste DU PEYRE fils et Nicolas CHARBONNEAUX, et d'autre
part Joseph Maximilien GUILAIN de BETHUNE, gouverneur du château de Murtin
et Magdeleine du FAY d'ATHIES, dame de Donchery, son épouse, au sujet de
la propriété d'une demi-fauchée de pré au lieu-dit
la Bergerie sise sur le ban de la Loge (écart de Lonny). Jean Baptiste
DU PEYRE avait voulu à la même époque voler la commune de
Lonny en s'arrogant des pâquis, des aisances, etc. (10)
Nicolas CHARBONNEAUX se
vit finalement mis sous la tutelle de son fils aîné, un gamin étourdi.
Le maître de poste courbait la tête et sa femme en mourait doucement
de chagrin. Elle décéda le 12 février 1772, à 45 ans,
tandis que son frère continuait à dilapider la maison : insolvable,
banqueroutier, il vendit tout en 1779 et dut quitter Lonny. Mais son chagrin fit
qu'il mourut dans sa voiture, en route pour Rocroy, où il comptait se retirer...
(11)
WERION
On ne sait rien de lui. C'est à lui que Jean Baptiste DU PEYRE fils vendit
la maison, à condition de garder Nicolas CHARBONNEAUX, lequel cependant,
par suite de mauvais traitements, se retira chez l'une de ses filles, Victoire
épouse SOMME, et mourut le 1er vendémiaire de l'an III à
Lonny.
BAUDELOT
Régisseur de Hurtaut (écart de Signy-l'Abbaye). Il acheta en 1780
la propriété de WERION.
Jacques Nicolas Louis BILLAUDEL
Il acheta en 1783 la maison, la poste, 27 fauchées de prés, 40 jours
de terres à la roye, le tout vendu ensemble pour 23 000 francs.
Né à Versailles en 1763, fils d'un architecte du Roy, bon courtisan,
et pour cela anobli avec le titre d'écuyer, dont ces fils ont hérité,
il avait été garde du corps de Louis XVI pendant un an. Blond, de
haute stature (1,90 mètres), le nez aquilin, il épousa à
Mézières Marie Florence TISSERON, la fille du directeur de la Poste
aux Lettres.
Notable de Lonny, puis maire, en même temps que commandant de la Garde nationale,
il semble jouir de l'estime générale. En 1793, il est nommé
au Comité de surveillance, mais un jaloux le dénonce comme suspect.
Il fut arrêté avec sa femme, emprisonné au Mont-Dieu, et passa
en jugement devant le village entier réuni :
"- Connaissez-vous, citoyens, dans la conduite
des citoyens BILLAUDEL et son épouse, quelque trait qui puisse inculper
leur civisme, les faire regarder comme mauvais citoyens, suspects et contre-révolutionnaires
?"
La population, vaillament, les défendit :
"- Ils se sont toujours distingués par
leur patriotisme ; la voix du peuple les a constamment placés à
la tête pour les conduire à la liberté ; nous les reconnaissons
comme de bons patriotes et vrais républicains ; nous invitons le Comité
à réclamer leur liberté !"
Ils seront relâchés, mais le dénonciateur continue à
leur en vouloir et à les ennuyer : Louis BILLAUDEL finit par démisionner
de sa charge de maître de Poste en février 1795.
Le Relais est alors administré par un certain Jean Baptiste ROGISSART,
d'Harcy qui bientôt, lui aussi, a à se plaindre du dénonciateur
!
Quand le calme revint, après la Révolution, Louis BILLAUDEL retrouva
sa poste aux chevaux. Réglementairement, le maire de Lonny enregistre son
nouveau brevet (le 16 septembre 1816) parce que le gouvernement vient de changer
:
> "Au nom de sa Majesté le Roi de
France et de Navarre, le Pair de France, Directeur général des Postes,
sur le compte qui lui a été rendu au Conseil d'administration, de
la fidélité et de l'affection du Sieur Jacques Nicolas Louis BILLAUDEL
au service du Roi, le commet pour remplir la place de maître de la Poste
aux Chevaux de Lonny, située dans le département des Ardennes, route
de Mézières à Givet, à la charge pour lui d'avoir
le nombre de postillons, chevaux et équipages prescrits pour le service
de ce relais et de se conformer en tous points aux lois et réglements sur
le fait des Postes, à peine de révocation.
Le présent Brevet est délivré à Paris en l'Hôtel
des Postes, le 9 septembre 1816. Signé d'Herbonville."
Lous BILLAUDEL restera maître de la Poste aux chevaux jusqu'en 1821.
On dit qu'il mourut de chagrin de se voir ruiné par une vie dispendieuse,
bien qu'il possédat pour au moins 150 000 francs de biens, et une famille
nombreuse de 6 enfants dont 2 filles qui reçurent 1 500 francs de dot chacune
lors de leur mariage.
Marie Pierre BILLAUDEL
Fils aîné du précédent, il lui succéda le 17
octobre 1821. Il a alors 38 ans et se double, à l'instar de son père,
d'un cultivateur. Il décède le 26 avril 1841.
Marie
Nicole JACQUEMART
Veuve de Marie Pierre BILLAUDEL, elle reprend, aussitôt le décès
de celui-ci, le Relais. Son brevet est enregistré en date du 17 juin 1841.
Elle a 46 ans et il lui reste cinq enfants à élever de 7 à
19 ans. Secondée par son fils Adrien, elle restera maîtresse de la
Poste jusqu'à l'âge de 73 ans.
Le relais fermera alors définitivement
détrôné par le chemin de fer. La famille BILLAUDEL reçut
300 francs de rente à titre de dédommagement.
"Nez
du Maître de Poste devant les trains" (lithographie de Pruche)
Une légende :
Marie Antoinette aurait, un soir, couché au Relais de Poste de Lonny...
M. Roland BOSSARD, secrétaire de documentation du Musée nationale
du Château de Versailles, la dément formellement : les deux seuls
voyages effectués par le Reine Marie Antoinette sont celui de son arrivée
en France en tant que Dauphine (en 1770, de Strasbourg à Versailles) et
celui de la fuite à Varennes. On connaît parfaitement les itinéraires
et Lonny n'y figure pas.
Cependant, toute légende comporte
sa part de vérité.
Nicolas Louis BILLAUDEL arrivait de la cour de Versailles, et, avec lui, son jeune
frère Séverin. Leur sur Julie Jeanne les a rejoint quelques
temps plus tard. Il est bien évident qu'ils devaient, à l'occasion,
raconter des souvenirs de la Cour, et particulièrement du roi dont les
deux frères avaient été gardes du corps, ou de la reine à
peine plus âgée qu'eux...
Le temps transformant les souvenirs, la population devait surtout se souvenir
que les BILLAUDEL connaissait le Reine de France et, la génération
suivante dut déduire, en toute logique, que c'était sans doute parce
que la reine avait couché au relais de la Poste. La Révolution aidant,
on avait oublié que la famille BILLAUDEL était noble et venait de
la Cour de Versailles.
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Notes :
(1) Renseignements donnés par Jean Laurent
Saingery (Notices biographiques, arch. communales de Lonny, et Archives privées)
(2) Arch. départementales des Ardennes
E-1801, in Inventaire Laurent. Original détruit.
(3) Arch. dép. Ardennes B-78
(4) Arch. dép. Ardennes C-742
(5) Registres paroissiaux de Lonny
(6) Notices biographiques de Jean Laurent Saingery
(op. cit.)
(7) Notices biographiques Jean Laurent Saingery
op. cit.
(8) Registre paroissial de Lonny
(9) Notice biographique de Jean Laurent Saingery
op. cit. J-L Saingery prétend que c'était une tradition de la famille
que de faire preuve de mauvaise foi...
(10) Arch. dép. Ardennes E-1801 op. cit.
et Notices biographiques de Jean Laurent Saingery op. cit.
(11) Notice biographique de Jean Laurent Saingery
op. cit.