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Le relais
de la Poste aux chevaux
Merci de respecter
ce travail et la mémoire de ma mère, Colette Chopplet-Houdinet,
qui en est l'auteur. Ne vendez pas ces informations, citez vos sources si vous
utilisez ces documents. Un petit mot pour me faire connaître l'usage ou
l'utilisation que vous pourriez en avoir serait aussi le bienvenu.
La maison médiévale devient
relais de Poste aux chevaux
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Un
relais de la poste aux chevaux, c'est une écurie de chevaux frais, pansés
et reposés, destinés à remplacer les attelages fatigués
des diligences faisant escale. Pendant que se faisait l'échange des chevaux,
les voyageurs trouvaient asile à l'auberge.
A quelle date le village de Lonny eut-il
son relais de poste ?
C'est difficile à
dire exactement. La première mention se rencontre dans les registres paroisiaux
le 15 septembre 1740 quand Jean Baptiste DUPEYRRE y est qualifié de maître
de Poste. Précédemment, il était marchand (1730) : est-ce
"marchand-aubergiste" ? (1)
Mais l'essor du relais est certainement
dû à Louis XV (1715-1774) en proie à la Guerre de Succession
d'Autriche qui se livrait en Flandres : Lonny est sur la route de Flandre.
"Il a été fait, au commencement
de la campagne de 1744, un arrangement entre MM. Les Intendants des frontières,
depuis la mer jusqu'au Rhin, pour établir une communication par le moyen
de chevaux d'ordonnance et de paysans établis dans différents postes
sur toute l'étendue de la ligne depuis Dunkerque jusqu'à Nunningen."
(Lettre du Duc de Choiseul, 20 novembre 1764, Archive départementales de
la Marne, à Châlons-en-Champagne, C-1264)
Il s'agissait surtout de transporter rapidement
les messages et ordres militaires.
L'utilisation, pour ce faire, de paysans corvéables se révéla
vite décevante, ainsi qu'en font foi les lettres des intendants : les paysans
se déplaçaient pendant les 8 ou 15 jours que durait le service dont
ils étaient chargés tour à tour. Or ils abandonnaient pendant
ce temps les travaux de la campagne, ce qui valait toujours mieux éviter.
Et puis, ils n'avaient que des chevaux "ordinairement
fort mauvais et peu habitués à la course", surtout
dans cette partie de la Champagne qui utilisait les massifs chevaux ardennais
!
Aussi a-t-il été décidé de créer, toutes les
quatres lieues (15 kilomètres environ) un relais de "chevaux d'ordonnance"
rapides.

Lonny est situé à quatre lieux
de la citadelle de Rocroi et à quatre lieues de la citadelle de Mézières,
et sans doute, le village reçut-il cette lettre :
"Il est ordonné aux maire, syndic, laboureurs,
habitants et communauté d'établir, à la réception
du présent ordre, quatre chevaux d'ordonnance, avec deux conducteurs pour
poster en toute diligence, de jour et de nuit, lettres et paquets concernant le
service du Roy, qui leur seront remis par d'autres conducteurs établis
au même effet dans d'autres lieux, desquels ils retireront des reçus
desdits paquets pour leur décharge. Et sera le maire ou syndic tenu de
mettre au dos desdits lettres et paquets ou sur une feuille qui y sera jointe,
l'heure à laquelle le conducteur sera parti, pour connaître la diligence
qu'il aura faite.
Enjoignons à tous habitants commandés pour l'exécution du
présent ordre, d'obéir, à peine de prison, et de plus grande
peine si le cas échoit, attendu qu'il s'agit d'un service du Roy."
(Lettre du 7 mai 1744, Archives départementales de la Marne, op. cit.)
Là où existe déjà
une poste aux chevaux (pour le relais des diligences), c'est le maître de
poste qui fournit un cheval frais au messager et un autre pour son postillon chargé
de le conduire au relais suivant. L'entretien de schevaux et postillons chargés
de ce service est assuré par les communautés qui devaient à
tour de rôle l'assurer (15 sols par cheval et 5 sols pour le postillon,
en 1745).
Et les maîtres de poste, pour faire face à ce surcroît de travail,
doivent compléter leur équipe de chevaux et postillons.
Le
roi Louis XV éprouva bientôt le besoin d'améliorer encore
beaucoup l'efficacité militaire : il fit créer des routes droites,
pour se porter rapidement aux frontières menacées (sans perdre ses
soldats dans le brouillard des petits chemins tortueux !). Lonny fut un des villages
à voir ainsi son destin modernisé :
Une "contournante" y fut ouverte à travers les jardins. Le plan
date de 1748 et les travaux furent longs puisque la route en traversée
de Lonny ne fut achevée qu'en 1760.
Au carrefour de cette "grande route des Flandres" avec elle qui monte
vers Fumay, s'installèrent alors une ferme, une auberge, un ateler de maréchalerie
et une boutique de charron : de quoi réconforter les voyageurs et assurer
leur ravitaillement comme les réparations de leur voiture et des fers de
leurs chevaux. Préfiguration de nos modernes aires de repos et relais d'autoroutes
!
On
peut penser combien le relais de la poste en tirait aussi importance. (2)
Il avait fallu aménager le bâtiment
pour recevoir tout à la fois les chevaux, les voitures et les voyageurs.
La grand-salle de la tour faisait une belle auberge. Les caves voûtées
gardaient frais le vin et les provisions. Est-ce alors que l'on ajouta une aile
d'habitation ou existait-elle déjà à cette époque
?
Il est certain que la maison
fut aménagée au XVIIIè siècle : la pièce de
devant, avec ses plafonds de stuc et sa belle cheminée évoque quelque
salon noble ; la porte extérieure qui s'ouvre sur le couloir a gardé
fière apparence ; une grille ouvragée aux élégants
pilieres ferme la cour toute pavée, au fond de laquelle un vaste garage
abritait les diligences (3).
Le reste du domaine était réservé aux chevaux : des écuries
disposées autour d'un courtil d'où part une pente douce et dallée
large de 6 mètres jusqu'à la "piscine aux chevaux"
un beau bassin d'environ 15 mètres de côté aux murs de pierre
et alimenté par une source située dans le pré voisin. Le
sol dallé s'enfonce progressivement jusqu'à 1,30 mètre de
profondeur. Les chevaux y descendaient pour y être lavés (4).
Les domestiques du relais y allaient aussi pour s'y délasser
et y jouer, quelques fois, bien imprudemment, comme le fit Marie Jeanne MALHERBE,
une jolie fille de 20 ans qui, à la Saint-Rémy 1795, alla s'y baigner
après avoir soupé. Une congestion l'emporta en 24 heures... (5)
Près de la piscine,
dans le mur de pierre (de 2 mètres de hauteur aujourd'hui) qui ferme la
propriété, il y avait une porte, par laquelle on sortait les chevaux
pour aller les faire galoper sur la route du Ham. On communiquait avec cette route
par une passerelle depuis le champ sur lequel donnait la fameuse porte (6).
Quelques chiffres situeront l'importance
du Relais de Lonny :
En 1738, la maison, la poste, 27 fauchées de prés, et 40 jours de
terre à la roye (soit 120 jours ou ) vendus ensemble pour 23 000 francs.
En 1815, le relais possédait 18 chevaux. Il accueillait, outre les courriers
militaires, les diligences qui conduisaient de Paris à Givet par Rocroy
("La Désirée") et de Lille à Mézières
par Maubert-Fontaine ("L'Hirondelle").
Les maîtres de la Poste qui, à
l'origine, transportaient le courrier officiel en dignes successeurs des "chevaucheurs
tenant la poste du Roy", virent à la longue rôle se transformer
: ils devenaient de simples fournisseurs de chevaux frais à qui en avait
besoin.
C'est ainsi qu'au soir de la bataille de Waterloo, ou plus exactement le lendemain,
Lonny vit l'empereur Napoléon 1er.
Le 18 juin 1815, l'issue de la bataille n'étant plus douteuse, Napoléon
avait donné le signal de la retraite. Après avoir perdu sa berline
d evoyage, dévalisée par les Prussiens, il avait fini par trouvé,
à Charleroi, un coupé à deux places. Le 19, en fin d'après-midi,
il était arrivé à Maubert-Fontaine.Après un peu de
repos et un repas léger, il avait emandé des chevaux frais pour
continuer sa route. Ceux de Maubert ayant été cachés par
les habitants dans la forêt, il fallut aller dans les villages voisins,
Etalle et Girondelle... dont les habitants en avaient fait autant. Finalement,
un cultivateur de Foulzy, Jean Nicolas GILLET, s'offrit pour conduire la voiture
et les deux bêtes qu'on avait trouvées. Mais l'une était borgne,
l'autre aveugle ! (dit la tradition). La nuit était tombée et Napoléon
enrageait. Bientôt, comme il passait à Lonny, il n'y tint plus et
se fit arrêter chez les maître de la poste de Lonny
qui n'avait,
paraît-il, pas de chevaux frais ! Et, bon gré, mal gré,
l'empereur continua ainsi sa route pour Mézières où il arriva
vers deux heures du matin, tiré par ses horribles montures épuisées.
La construction du chemin de fer marqua
la fin des diligences. Un avis officiel ferma le relais de Lonny :
"Par décision du Conseil des
Postes, approuvée le 25 septembre 1871 par M. le ministre des Finances,
les lignes de poste suivantes sont supprimées : Lille-Mézières
(entre Mézières et Maubert), Paris-Givet (entre Mézières
et Rocroy), Mézières-Luxembourg (entre Mézières et
Montmédy avec embranchement de Mézières à Launoy)
Les titulaires des relais établis sur ces routes ont été
relevés de leurs obligations."
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Notes :
(1) Archives départementales des Ardennes,
B-78
(2) Jean Laurent SAINGERY dit que la maison devint
Relais de Poste après la création de la route des Flandres.
(3) André BILLAUDEL, descendant d'une
longue lignée de maîtres de poste, nous a très aimablement
transmis des souvenirs oraux sur sa famille et sur le relais.
(4) Renseignement d'André BILLAUDEL. On
peut d'ailleurs se demander si la piscine n'a pas remplacé un vivier médiéval.
(5) Mémoires de Jean Laurent SAINGERY
(op. cit.)
(6) Renseignements d'André BILLAUDEL.
Un plan de 1748 montre le village : l'ancienne "maison" y est visible
ainsi que des parcelles boisées le long du ruisseau (qui seront numérotées
601 et 602 sur la cadastre de 1842) et d'autres, cultivées, au sud des
bâtiments, et des ruelles qui les partagent. L'une d'elles semble même
être une véritable route, bordée d'arbres : elle prolonge
la rue des Tabuts (un nom médiéval...) et va droit au ruisseau.
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